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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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le maire qui présente les clés de la ville. La foule se presse, applaudit, suit le cortège qui se dirige par les rues décorées de drapeaux et de guirlandes de fleurs jusqu’au palais de Rohan.
    Il traverse les pièces du palais, cependant que Joséphine s’attarde. Il l’écoute répondre avec grâce, féliciter le maire de les accueillir dans ce palais décoré avec luxe.
    Il l’abandonne. Qu’elle s’occupe des Strasbourgeois ! qu’elle les flatte et qu’ils la fêtent ! Lui a les Autrichiens en tête, la guerre à faire et à gagner.
     
    Il ne dort pas. Il entend la pluie tomber. Il pense aux troupes qui ont pris leur cantonnement dans les champs en attendant de se remettre en route à l’aube afin de traverser le Rhin.
    Il a convoqué les généraux, au pont de Kehl à six heures, ce vendredi 27 septembre, mais à quatre heures il est déjà debout. Roustam a préparé le bain chaud.
    À cinq heures, dans la nuit, entouré par les vingt-deux chasseurs à cheval de la garde impériale, du trompette et de l’officier qui les commande, il se tient à cheval à l’entrée du pont.
    Il est là, enfin, parmi ses soldats ! Il pleut à verse. Les tambours ne peuvent pas rythmer la marche, mais les troupes passent et parfois crient : « Vive l’Empereur ! » La garde apparaît, avec ses hauts bonnets à poil, en peau d’ours. Ils rompent la cadence pour traverser le pont. L’eau coule le long de leurs moustaches et de leurs favoris recourbés, signes obligés de leur appartenance à cette troupe d’élite à la solde élevée.
    Napoléon se tient droit sur son cheval. Il ne sent pas la pluie qui glisse sur le chapeau déjà imbibé d’eau, déformé, et sur la redingote devenue lourde.
    C’est ainsi qu’on commande aux hommes qui vont mourir, en demeurant à leur côté. Il reste sur le pont, immobile plusieurs heures durant.
    Il faut qu’on le voie, que chaque soldat sache que l’Empereur était là. Et qu’il va conduire la campagne.
    Plus tard, il retrouve les miroirs, les tapis et les tableaux du palais de Rohan. Il aperçoit dans l’un des salons où brûlent des dizaines de bougies, Talleyrand, dont il a exigé la présence à Strasbourg, Joséphine dans une longue robe de taffetas, et les princes électeurs de Bade et de Wurtemberg, dont il veut faire des alliés, comme la Bavière, afin de créer entre l’Autriche et la France une barrière d’États qu’il dominera.
    Il va vers ces hommes aux vêtements de cour et il s’aperçoit dans les miroirs, crotté, la redingote dégoulinante de pluie. Il éprouve de la fierté. Il est l’Empereur-Soldat. Il appartient à une autre espèce d’homme. Il peut bien dormir dans ce palais aux murs décorés par des tapisseries des Gobelins, on peut l’appeler Majesté ou Sire, il ne sera jamais, il le sait, pareil à ces princes. Il les domine, mais il n’est pas l’un d’eux.
    Il a le destin singulier d’un fondateur d’Empire, proche des soldats qu’il passe chaque jour en revue de part et d’autre du Rhin, à Kehl, à l’arsenal ou dans la citadelle et qu’il a hâte de rejoindre en Allemagne.
    « Soldats, proclame-t-il le 30 septembre, la guerre de la troisième coalition est commmencée… Vous avez dû accourir à marches forcées à la défense de nos frontières. Nous ne ferons plus de paix sans garantie. Notre générosité ne trompera plus notre politique. Soldats, votre Empereur est au milieu de vous… »
    Il entre dans la chambre de Joséphine.
    « Je vais partir cette nuit, dit-il. Malheur aux Autrichiens s’ils me laissent gagner quelques marches. »

36.
    Il a froid, ce 1 er octobre 1805, lorsqu’il franchit le Rhin. Il pleut. Il serre les pans de sa redingote. Le pont tremble et résonne sous les sabots des chevaux des chasseurs de la garde qui escortent la berline. Napoléon frissonne, respire difficilement, comme si l’on pesait sur sa poitrine. Il fait un effort pour se détendre, pour ne pas subir comme hier soir, quelques heures avant le départ, cette crise douloureuse.
    Il s’est effondré dans sa chambre du palais de Rohan, devant Talleyrand et M. de Rémusat, qui l’avaient accompagné. Durant quelques minutes, il a eu la sensation que les murs s’abattaient, l’écrasaient, que le sol se dérobait en l’entraînant. Un voile a couvert ses yeux.
    Lorsqu’il a repris conscience, Talleyrand et Rémusat le frictionnaient avec de l’eau de Cologne. Il était à demi nu. Il les a repoussés en exigeant

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