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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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octobre. Des pontonniers construisent une passerelle sous la mitraille. Napoléon se mêle aux premiers soldats qui s’élancent.
    Tant de fois déjà son corps sous le feu, tant de fois, qu’il lui semble qu’il ne peut être atteint.
    Enfin, les grenadiers s’emparent de l’abbaye d’Elchingen qui domine le fleuve. Napoléon s’y installe. On y transporte les blessés qui se comptent par centaines. Mais les Autrichiens ont été taillés en pièces, refoulés et, sous les charges de Ney et Bessières, le général Mack s’est enfermé dans Ulm.
    Il est pris au piège.
    Napoléon ressort. Une batterie ennemie tire sur l’escorte, les chevaux font des écarts, mais Napoléon reste impassible, galopant devant, vers les hauteurs du Michelsberg, où il fait placer des canons qui ouvrent le feu sur Ulm.
    Il ne faut pas desserrer l’étreinte, afin que Mack capitule.
    Puis, dans l’abbaye d’Elchingen, le soir, il écrit un mot à Joséphine.
    « L’ennemi est battu, a perdu la tête, et tout m’annonce la plus heureuse campagne, la plus courte et la plus brillante qui ait été faite.
    « Je me porte bien ; le temps est cependant affreux. Je change d’habit deux fois par jour, tant il pleut.
    « Je t’aime et t’embrasse.
    « Napoléon »
     
    Il sort de l’abbaye. La pluie glaciale continue de tomber, si drue que les fortifications de la ville d’Ulm où se trouve le général Mack disparaissent derrière le rideau gris de l’averse.
    Le cheval de Napoléon avance difficilement sur les chemins de crête, là où sont disposées les pièces d’artillerie. Napoléon descend, pointe lui-même un canon, donne l’ordre d’ouvrir le feu. Il faut débusquer Mack, le harceler, le contraindre à la reddition avant que les armées russes viennent à son secours.
    Lorsqu’il rentre à l’abbaye d’Elchingen, Napoléon grelotte malgré les feux qui brûlent dans les hautes cheminées. Les officiers rendent compte de la fatigue des troupes. La pluie et la faim dissolvent la Grande Armée, disent-ils. Il faut des abris, du pain, du vin. Les uniformes sont en loques.
    Napoléon écoute sans paraître entendre.
    Commander, c’est aussi ne pas révéler son inquiétude et répondre à celle de ses subordonnés par des certitudes.
    Mack se rendra, d’ici à quelques heures, affirme-t-il. On entrera dans Vienne, l’Autriche sera vaincue. Il ne faudra que quelques jours pour écraser les Russes. Et l’on en aura fini ainsi de la troisième coalition.
    Il convoque le général Ségur, qui va demander à parlementer avec Mack. Il faut effrayer le général autrichien, obtenir sa reddition. Et d’ici là, l’écraser sous les obus.
     
    Le 20 octobre, enfin, les troupes autrichiennes déposent les armes, sans même avoir combattu.
    Napoléon regarde défiler devant lui ces trente mille hommes qui jettent à ses pieds leurs armes et leurs drapeaux, comme dans un triomphe antique.
    La pluie a cessé mais il est trempé et crotté. Il sent le poids de son chapeau et de sa redingote grise qui sont gorgés d’eau. Il se tient en avant sur un petit tertre, dominant la scène. Il est l’Empereur vainqueur. Ses troupes sont rassemblées autour de lui, et de temps à autre il se tourne vers elles.
    La victoire, comme chaque fois, a transformé l’épuisement et le doute en une sorte de fierté joyeuse. Elle a redonné des forces à chaque soldat. Il va décorer plusieurs d’entre eux.
    Les soixante canons autrichiens, les vingt généraux prisonniers passent devant lui.
    « Soldats, lance-t-il, ce succès est dû à votre confiance sans bornes dans votre Empereur, à votre patience à supporter les fatigues et les privations de toutes espèces, à votre intrépidité. »
    Il échange quelques mots avec les généraux autrichiens qui se sont arrêtés et l’entourent. Certains de ces hommes portent des traces de blessures qui témoignent des campagnes qu’ils ont conduites contre les Turcs.
    Ils sont valeureux, expérimentés, mais je les ai vaincus. Qui ne pourrai-je vaincre ?
    Le soir, dans l’abbaye d’Elchingen, alors que la pluie a recommencé, il achève de dicter sa proclamation à la Grande Armée :
    « Nous ne nous arrêterons pas là : vous êtes impatients de commencer une seconde campagne. Cette armée russe que l’or de l’Angleterre a transportée des extrémités de l’univers, nous allons lui faire éprouver le même sort… »
    il entend, chaque fois qu’il cesse de parler, les plaintes des

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