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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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arrêté Kamil bey.
    – Kamil
bey ? Le kaïmakam [9] du
district de Haïfa ? Pour quelle raison ?
    – N'est-il
pas turc ? Aux yeux des Anglais, tous les Turcs sont des sujets ennemis et
j'ai une autre nouvelle à t'apprendre qui nous concerne plus directement.
Figure-toi que les Britanniques m'ont demandé de le remplacer.
    – Toi ?
Gouverneur ?
    – Gouverneur
est un bien grand mot. Maintenant que ce sont les sujets de Sa Majesté qui
mènent la danse, la fonction n'a plus du tout la même importance. Mettons que
je vais devenir une sorte d'intermédiaire responsable entre la population et
les officiers anglais.
    – Évidemment.
    – Notable
et palestinien ? Tu vas
collaborer ?
    Latif
allait répliquer quand Mourad, le fils aîné de Hussein , entra dans
la pièce. Grand, svelte, yeux de braise, visage aux traits parfaits, il salua
les deux hommes respectueusement.
    – Je vous
ai interrompus.
    – Ton
grand-cousin, expliqua Hussein, vient de m’annoncer l'arrestation de Kamil bey.
Et devine qui les Anglais ont pressenti pour le remplacer ?
    – Moi,
révéla Latif el-Wakil, impatient. Mais, comme je le disais à ton père,
il n est pas question d’ être
gouverneur. Non. Je serai uniquement le porteur de nos doléances.
    – Dois-je te féliciter ou te plaindre ?
    – Ni l 'un ni l 'autre.
Juste me remercier.
    – Te
remercier de t'associer avec le nouvel
occupant ?
    Hussein
surenchérit :
    – C'est
exactement ce que j'étais en train de lui faire observer.
    – Allons !
s'exclama Latif. Si j'ai donné mon accord, ce n'est pas pour la gloire !
Tu sais bien qu'indépendamment de mon commerce de poterie je me suis toujours
impliqué dans la gestion de la ville aux côtés des Turcs. Aujourd'hui, je ne
vois aucun inconvénient à travailler avec les Anglais. Ainsi, je pourrais mieux
faire passer nos requêtes et mieux servir notre communauté.
    Un rire
ironique secoua Mourad.
    — Notre
communauté ? Ce qu'il en restera ! Ne vois-tu pas ce qui se passe à
Haïfa ? Vingt mille habitants, quatre-vingt-quatre pour cent de musulmans,
cinq pour cent de Juifs. Sois sûr que demain ces proportions seront inversées.
    —
Inversées ? Qu'est-ce que tu racontes ? se récria Hussein.
    Pour seule
réponse, Mourad brandit une coupure de journal et lut :
     
    Londres, 2 novembre 1917
     
    Cher lord
Rothschild,
     
    J'ai le
plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration
ci-dessous de sympathie à l'adresse des aspirations sionistes [10] déclaration soumise au cabinet et approuvée par lui.
    « Le
gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine
d'un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour
faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne
sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des
collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut
politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays. »
    Je vous
serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance
de la Fédération sioniste.
     
    Signé :
Arthur James Balfour.
     
    Hussein
bafouilla :
    –
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Qui est ce Balfour ? D'où
tiens-tu cet article ?
    – Il m'a
été posté du Caire, il y a quelques mois, par mon ami Taymour Loutfi. Je ne
l'ai reçu qu'hier.
    – Taymour
Loutfi ? Le garçon rencontré avant la guerre, lors de nos vacances d'été à
Alexandrie ? Son père est quelqu'un de très riche, je crois. Ne
travaille-t-il pas dans le coton ?
    Mourad
acquiesça.
    – Eh
bien ! J'ignorais que vous étiez resté en relations.
    – Nous
n'avons pas cessé de nous écrire. La guerre a espacé nos échanges, c'est tout.
    Pivotant
vers son grand-cousin, il changea de sujet :
    –
Alors ? Que penses-tu de cette lettre ?
    – C'est
tout simplement une infamie !
    – Un foyer national juif ? gronda Hussein. Ici ? C'est
impossible !
    – Pourtant,
répliqua Mourad, le texte dit clairement ceci : « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en
Palestine d'un foyer national
pour le peuple juif ».
    – Cela ne
m'étonne pas, commenta Latif. Pour les Anglais, pour le monde occidental en
général, nous n'existons pas. Ces gens s'imaginent que la Palestine est une
terre désertique, dépourvue de toute civilisation. Ils ont occulté l'idée que
nos ancêtres, les

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