Le temps des adieux
panier, je remarquai sur la table un grand bol de poisson froid et de salade qu’Helena avait laissé à mon intention. Je commençai par me verser un grand gobelet d’eau, puis mangeai de bon appétit. J’éteignis ensuite la lampe, pour éviter tout risque d’incendie, et gagnai mon lit dans l’obscurité.
Helena avait dû s’endormir, mais elle bougea quand je me glissai à coté d’elle. Elle comprit tout de suite que l’entretien que je venais d’avoir avec Titus m’avait profondément perturbé et elle me tint pressé contre elle pour me calmer, tandis que je lui relatais fidèlement ma soirée.
— Pourquoi est-ce toujours à moi qu’on confie les boulots merdiques, geignis-je.
— C’est le métier que tu as choisi, Falco. Tu es enquêteur. Et les enquêtes ont presque toujours pour but de trouver des renseignements déplaisants.
— Alors je crois que je ferais mieux de changer de métier. Je ne supporte plus de me sentir continuellement méprisé.
— Et tu voudrais travailler à quoi ? demanda Helena d’un ton posé. Vendre des bourses ? Plumer des canards ?
— Je déteste les femmes raisonnables quand j’ai envie de tout envoyer balader et de proférer les plus affreux jurons !
— Je le sais déjà. Et je t’aime même quand tu me détestes. Dors, ça vaudra mieux, conseilla-t-elle en s’entortillant autour de moi de façon à m’empêcher de bouger continuellement dans le lit.
Je me soumis à son bon sens en soupirant. Trois respirations plus tard, j’étais déjà tombé dans un profond sommeil. Et dans mon rêve, je voyais une Helena Justina qui, elle, ne dormait pas et veillait sur moi, profondément inquiète à cause de la lourde tâche qu’on venait de me confier.
Pendant ce temps-là, on torturait déjà la première victime avant de la tuer, et on se débarrassait de son corps.
28
Les coups de sifflet perçants de Petro, demeuré dans la rue, finirent par me réveiller. Dans l’appartement, il faisait toujours sombre.
Nous étions amis depuis si longtemps qu’il avait la capacité de me réveiller, même de six étages plus bas. Avant de me traîner sur le balcon pour vérifier, j’étais déjà certain qu’il s’agissait bien de lui. Je le vis en compagnie d’un vigile, furieux que je mette aussi longtemps à apparaître. Je pouvais le lire clairement sur le sommet de son crâne. Je sifflai à mon tour et il leva les yeux. Il me fit signe d’arriver au plus vite. Je compris que toute question était inutile et dévalai l’escalier en finissant de m’habiller.
— Salut, Petro. J’espère que tu n’as pas d’ennuis avec ton chat ?
Ma sortie lui arracha un grognement irrité.
— Stollicus avait raison, Falco ! Tu as vraiment le don d’irriter les gens.
— Stollicus n’a jamais été sensible à mon charme naturel. Il se passe quoi ?
— Un cadavre dans le Forum. Annonciateur de sérieuses emmerdes. C’est du moins mon avis.
Petro et le vigile qui l’accompagnait ayant déjà commencé à s’éloigner, je fus forcé de mettre un frein à ma curiosité. Après avoir quitté la Cour de la Fontaine, nous descendîmes la colline tous les trois et prîmes Fusculus avec nous au passage. Je le trouvai étonnamment éveillé pour l’heure qu’il était.
— Bonjour, chef. Comment va le chat ?
— Fusculus, je suis pas d’humeur !
Ni Fusculus ni le vigile ne se permirent un sourire, ironique ou pas. Ils étaient passés maîtres dans l’art de faire enrager leurs officiers sans avoir besoin de se moquer d’eux ouvertement.
Au bout du Clivus Publicus, nous aperçûmes Martinus qui émergeait tout juste de chez lui. Un autre vigile l’était venu quérir.
— Ne demande surtout pas des nouvelles du chat, le prévint Fusculus.
Martinus se contenta donc de dresser un sourcil interrogatif et ne prononça aucune parole susceptible d’aggraver la méchante humeur de Petronius. Ce dernier, pressant le pas avec ses longues jambes, nous devions presque courir pour ne pas nous laisser distancer.
L’aube commençait tout juste à se lever. Nous passâmes devant le temple de Cérès noyé dans la brume qui montait du fleuve.
— Pourquoi faut-il toujours que tout ça arrive avant mon petit déjeuner ? grogna Petro.
— Parce qu’il vaut mieux se débarrasser des cadavres la nuit et que les patrouilles les découvrent dès que le jour apparaît, expliqua le pédant Martinus comme si on avait eu besoin d’une
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