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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sa présence attentive et silencieuse, Gilles se fût aussi bien laissé mourir de faim sous une barbe longue et un pied de crasse, son sort actuel et son avenir ne lui paraissant plus dignes du moindre intérêt.
    Interminablement, il revivait avec une ivresse amère les instants si doux de son trop court bonheur, ces quelques jours illuminés d’espérance que la présence d’une Judith enfin soumise à l’Amour avait rendus inoubliables et qui avaient pris fin misérablement au moment où, la bénédiction nuptiale ayant fait de Mlle de Saint-Mélaine Mme de Tournemine, les chaudes perspectives de la vie à deux s’ouvraient devant le jeune couple.
    La peine du captif était si profonde qu’elle ne parvenait même pas à engendrer la haine envers la femme égoïste et cruelle qui avait causé tout ce drame. Bien plus qu’à Mme de Balbi, sa maîtresse d’un moment, c’était à lui-même que Gilles en voulait, à lui qui n’avait pas su protéger son amour, à lui qui connaissait si bien Anne de Balbi. Comment avait-il pu être assez stupide pour ne pas deviner qu’une femme de son rang et de son orgueil ne se laisserait pas écarter sans chercher au moins à tirer une quelconque vengeance ?
    C’était là le seul sujet de ses angoisses. Quant à la prétendue faute qui avait servi de prétexte à son arrestation, à la prétendue collusion établie entre lui, simple garde du corps, et le cardinal-prince de Rohan accusé par la reine, comme un vulgaire truand, du vol d’un collier de diamants de plusieurs millions, il ne lui accordait même pas l’honneur d’un souci. Il n’avait conscience d’avoir accompli qu’un devoir de charité en acceptant de brûler un morceau de papier, peut-être un peu tendre, de cacher un petit portrait, peut-être compromettant pour la reine, quand Rohan l’en avait supplié au moment de son arrestation. Un devoir de soutien naturel, aussi, entre gens du même terroir puisque, depuis la nuit des temps, les fils du Gerfaut et les princes de Rohan avaient tissé entre eux ces antiques liens féodaux qui dépassaient l’autorité même d’un roi de France.
    Peut-être cela le mènerait-il, quelque soir, à la lueur sanglante des torches, jusqu’à un échafaud dressé sur la place de Grève ou, plus discrètement, dans la cour de la Bastille mais, en lui tranchant la tête, l’épée du bourreau ne ferait, après tout, que le libérer d’une souffrance à laquelle il ne voyait pas de remède.
    Il avait touché de trop près au bonheur absolu pour imaginer un avenir où Judith n’aurait pas sa place. L’existence ne serait alors qu’un insupportable fardeau dont il se fût déjà délivré d’ailleurs si la crainte de Dieu ne l’avait retenu au bord du suicide. Il connaissait trop la jeune femme en effet pour espérer que son entêtement de Bretonne accepterait un jour la vérité, consentirait à lui laisser au moins le temps d’expliquer qu’ils étaient tous deux victimes d’un malentendu, d’un piège trop soigneusement tendu… Se croyant trahie dès le soir de ses noces, jamais Judith ne pardonnerait. Alors, à quoi bon vivre encore ?
    En silence, mais non sans jeter vers le prisonnier dont il ne voyait qu’une jambe des regards pleins de curiosité, le porte-clefs Guyot avait déposé sur la table une nappe assez blanche, changé les chandelles plus qu’aux trois quarts usées et disposé, auprès du couvert, les plats dont il ôtait à présent les couvercles avec une mine gourmande.
    — Le cuisinier a bien fait les choses, ce soir, mon gentilhomme. Vous avez du potage aux écrevisses, des petits pâtés chauds, de la langue en ragoût, des fruits et des échaudés…
    — Je n’ai pas faim.
    — Vous avez tort mais, si vous y tenez, je peux remporter…
    — Nous tout manger ! affirma Pongo péremptoire en poussant l’homme vers la porte sans ménagements. Toi t’en aller !…
    — Au lieu de me gaver comme une oie à l’engrais, grogna Tournemine, on ferait beaucoup mieux de m’apprendre quand je dois être jugé et, éventuellement, exécuté…
    C’était là le genre de questions qu’un geôlier redoutait entre toutes car il n’avait aucune possibilité d’y répondre. Eût-il d’ailleurs possédé la plus mince information sur le sort futur de ses prisonniers – la date ou l’heure du premier interrogatoire, par exemple – qu’il en était empêché par l’interdiction formelle, sous peine des plus graves

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