Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
moment de s’attendrir sur les souvenirs d’autrefois, d’un autre temps, d’un autre monde…
    Ce n’était d’ailleurs le moment d’aucune sorte d’évocation qui, rappelant les grandes forêts et la fabuleuse nature de l’Amérique, servirait tout juste à rendre plus insupportable encore les murs de la Bastille…
    — Sortir d’ici ? soupira-t-il enfin. J’aimerais bien ! Mais je crains que ce ne soit guère possible. J’ai toujours entendu dire qu’on ne s’évadait pas de la Bastille. Je donnerais dix ans de ma vie pour pouvoir ouvrir cette porte…
    Il s’interrompit. La porte, justement s’ouvrait. Pensant que c’était Guyot, le geôlier qui venait desservir le souper, Tournemine choisit de lui tourner le dos. Mais ce n’était pas Guyot.
    Profondément salué par le geôlier resté au-dehors, un homme venait d’apparaître, un homme qui, de toute évidence, n’appartenait pas au personnel de la prison où l’on ne voyait guère que des uniformes ou les souquenilles des gardiens.
    Sous un ample manteau noir négligemment rejeté sur l’épaule, le gentilhomme qui venait d’entrer portait un bel habit de cour en soie bleu foncé discrètement orné de broderies d’argent et timbré, à la hauteur du cœur, d’une rutilante croix de Malte. Sur son long gilet gris argent, de même nuance que ses culottes de soie, le ruban bleu de Saint-Louis pendait sous la cravate de dentelle.
    Au physique, c’était un homme d’une cinquantaine d’années, de taille moyenne mais de belle allure. Sa tête, coiffée d’une perruque blanche bouclée, affectait un peu la forme d’un pain de sucre. Le nez était mince, droit et court, les sourcils très noirs et bien arqués. Ils soulignaient heureusement des yeux sombres et allongés au point d’évoquer les types orientaux. La bouche, dont le sourire semblait l’expression habituelle, était celle d’un gourmand et, dans l’ensemble, cette physionomie ne manquait pas de charme en dépit de quelques détails qui en corrigeaient désagréablement l’expression.
    Ainsi du front fuyant, de l’air de contentement intime étalé comme une crème sur les traits du personnage mêlés à une double nuance de ruse et d’insolence. Mais la peau était soignée, les mains fines et la tenue irréprochable. Littéralement, le nouveau venu était tiré à quatre épingles.
    Comme le prisonnier, dont la puissante silhouette se dressait entre lui et la fenêtre, ne faisait pas mine de s’apercevoir de sa présence, le visiteur éloigna le geôlier d’un sec claquement de doigts puis, glissant un regard curieux sur Pongo momentanément changé en sa propre statue, il articula :
    — Puis-je avoir, monsieur, l’avantage d’un moment d’entretien avec vous ?
    Au son de cette voix, ensoleillée d’un soupçon d’accent provençal incomplètement maîtrisé, Tournemine fit volte-face.
    — Je vous demande excuses, monsieur, dit-il tandis que ses yeux froids analysaient rapidement cette figure inconnue. Je ne savais pas que j’avais un visiteur et je croyais seulement au retour du gardien venu desservir.
    — Il n’est pas besoin d’excuses puisque je ne me suis pas fait annoncer. Mais… vous avez là un bien curieux domestique, ajouta le nouveau venu en se tournant à demi vers Pongo qui, debout, bras croisés, au pied du lit de son maître, n’avait toujours pas bougé un cil.
    — Ce n’est pas un domestique, coupa Gilles sèchement. C’est un guerrier iroquois et il est à la fois mon écuyer… et mon ami.
    — Ami ? Un grand mot… un beau titre !
    — Amplement mérité, croyez-le. Je lui dois la vie… entre autres choses.
    — Eh bien… disons que vous avez de la chance de posséder une telle rareté. On doit vous l’envier et je gage que l’on vous a plus d’une fois offert de l’acheter.
    — En effet. J’ai déjà eu le regret de refuser à Monseigneur le duc de Chartres et à M. de La Fayette, qui ont fort bien compris l’un et l’autre qu’un ami ne saurait se vendre. Mais je suppose, monsieur, que vous ne vous êtes pas donné la peine de monter jusqu’ici pour me parler de mon écuyer ?
    L’inconnu sourit sans répondre, fit quelques pas dans la pièce puis, désignant l’une des deux chaises :
    — Puis-je m’asseoir ? Mes jambes n’ont plus l’âge des vôtres, chevalier, et votre logis, s’il est plus près du Ciel que ceux du commun des mortels, n’en est pas moins d’un accès

Weitere Kostenlose Bücher