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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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table, l’Indien vint lui barrer le passage.
    — Assez pleuré ! fit-il sévèrement. Toi manger !
    — La paix, Pongo ! C’est tout ce que je demande : la paix !
    — Paix n’avoir jamais nourri personne et ventre creux mauvais pour esprit du guerrier…
    — Guerrier ? Laisse-moi rire ! Qu’est-il devenu le guerrier ? Je suis prisonnier…
    — Guerrier prisonnier toujours guerrier quand même ! Jamais perdre courage ou se laisser aller désespoir… comme petit enfant ou comme femme !
    Gilles haussa les épaules.
    — Si tu espères piquer ma vanité, mon vieux, tu te trompes. Entre un homme et une femme en prison il n’y a guère de différence. Le désespoir est le même…
    À cet instant, comme pour lui apporter un démenti une voix de femme se fit entendre par la fenêtre, une voix qui chantait une romance à la mode. Pongo alla jusqu’à la profonde embrasure, tendit l’oreille et sourit découvrant les deux longues incisives qui lui donnaient une si étonnante ressemblance avec un lapin.
    — On dirait femme mieux supporter prison que fameux Gerfaut ! fit-il, goguenard.
    — Qu’est-ce que cela prouve ? grogna Tournemine. Qu’il y a des femmes qui peuvent s’accoutumer à n’importe quoi. C’est peut-être une folle, d’ailleurs. On dit qu’il y en a ici…
    Mais il savait qu’il n’en était rien et même, cette voix, il lui semblait bien la reconnaître pour l’avoir entendue fredonner cette même romance – un air de « Nina ou la Folle d’Amour » – au cours de la soirée de jeux passée rue Neuve-Saint-Gilles et qui s’était si mal terminée pour lui 2 . Elle ressemblait beaucoup à celle de Mme de La Motte. Et comme celle-ci avait été arrêtée le 18 août, il n’y avait, après tout, rien d’étonnant à entendre sa voix. Par contre, il était surprenant qu’elle eût le cœur à chanter…
    Pourtant, à se trouver ainsi tiré de ses idées noires et ramené à la fangeuse histoire qui avait éclaté comme un ouragan sur Versailles et fait arrêter pour vol, comme un simple truand, le cardinal-prince de Rohan, Grand Aumônier de France, Tournemine sentit que le temps des lamentations s’achevait pour lui.
    Quittant la chaise sur laquelle il s’était laissé tomber, il dédia un pâle sourire à Pongo.
    — Eh bien, grand sorcier, que veux-tu que je fasse ? Quelle médecine m’ordonnes-tu ?
    — Pongo l’a dit : toi manger pour retrouver pensées saines et goût du combat.
    — Eh bien, mangeons !…
    Pour la première fois depuis son arrivée à la Bastille, Gilles prit place à table après avoir fait signe à Pongo de s’installer de l’autre côté. Jusque-là, il s’était contenté de grignoter un morceau de pain avec un peu de vin. Mais à se trouver soudain en face d’une nourriture agréablement parfumée, il sentit se réveiller le bel appétit de son âge, découvrant à la fois qu’il avait très faim et que la cuisine de la vieille forteresse était excellente.
    Quand il eut achevé son repas, il en éprouva un bien-être certain qu’il compléta d’une pipe de son excellent tabac de Virginie que Pongo avait eu la précaution d’emporter.
    — Tu avais raison, reconnut-il enfin en se renversant sur sa chaise. J’aurais dû t’écouter plus tôt et toi, tu aurais dû me secouer sans attendre aussi longtemps.
    Pongo haussa les épaules à son tour.
    — Avant n’aurait servi à rien. Pongo compris qu’il était temps quand toi sauter à la gorge du geôlier tout à l’heure… Être bon signe !
    — Bien ! Que proposes-tu à présent ?
    — Réfléchir !
    — Je ne fais que ça !…
    — Réfléchir à moyen sortir d’ici ! Pas sur triste condition humaine ! Si toi veux savoir où être passée ta squaw, quitter prison.
    En dépit de la douloureuse crispation qu’il ressentait à la moindre évocation de Judith, Tournemine ne put s’empêcher de sourire au pittoresque terme indien. Plût au Ciel que l’orgueilleuse fille du baron de Saint-Mélaine eut la tendre et fière soumission des femmes iroquoises qui savaient appartenir totalement à un homme sans pour autant cesser d’être elles-mêmes. Mais il repoussa vite cette pensée car une image venait de s’imposer sur celle de Judith : celle de Sitapanoki 3 , la princesse indienne qui lui avait, un moment, inspiré une telle passion qu’il avait été à deux doigts d’oublier son amour et les promesses échangées. Et ce n’était pas le

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