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Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Titel: Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Boris Thiolay
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l’annonce du décès prématuré d’un petit pensionnaire plonge les dirigeants de l’organisation L dans la consternation, et leur créateur dans une colère froide. La perte de ce « bon sang » leur est absolument intolérable.
    Peut-on comprendre l’inconcevable ? Aux yeux des maîtres de la SS, les « Fontaines de vie » représentent un enjeu fondamental, un projet synonyme d’éternité. Comparativement, le combat engagé contre les « ennemis du Reich », en particulier la mise en œuvre d’un procédé industriel menant à l’extermination totale des juifs, ne constitue qu’une simple étape sur la voie du Nouvel ordre européen. D’ailleurs, à la fin de 1943, Heinrich Himmler parle déjà au passé de la question juive. Au même moment, ses services planifient l’ouverture d’une nouvelle maternité en France : le cours de la guerre bascule pourtant en faveur des Alliés, le monde est à feu et à sang, mais rien ne doit entraver l’avènement de la « race supérieure ». Car, bientôt, une fois la paix rétablie – c’est-à-dire après la disparition définitive de toute « souche » d’êtres inférieurs susceptibles de vouloir se venger –, le grand empire germanique pourra entamer son « règne de mille ans ».
    Le Lebensborn est la matrice du monde voulu par les nazis. Par un processus simultané de destruction et de procréation de groupes humains, il s’agit d’une entreprise de substitution biologique. Irréversible. Erwin, Gisèle, Christiane, Walter, Ingrid et les milliers d’autres bambins nés entre 1935 et 1945 devaient former la première génération de cette expérience inédite dans l’histoire de l’humanité.
    Je suis donc parti à la recherche des enfants français et belges du Lebensborn . Au-delà des premières questions évidentes qui viennent à l’esprit – « Quel genre d’homme ou de femme sont-ils ? », « Que savent-ils de leurs parents ? », « Les ont-ils retrouvés ? » – il me semblait que ces personnes, issues d’un projet échappant à l’entendement, pouvaient avoir un trait commun. Leur vie est un pied de nez à la fatalité, au rouleau compresseur de l’histoire et même à de fumeux déterminismes génétiques. De plus, ces témoins muets avaient capté des sons, des images de leur prime enfance, comme l’auraient fait une caméra ou un magnétophone qu’on aurait laissé tourner. En refaisant le parcours qu’ils avaient effectué, six décennies plus tôt – celui de bambins transbahutés d’une maternité SS à l’autre à travers le Reich en décomposition, puis rapatriés vers des lieux où on ne les attendait plus –, il serait peut-être possible de raviver leurs impressions jamais consignées. En superposant ensuite ces images à ce que nous savons des événements, jusqu’où pourrait-on rembobiner, sans le rompre, le fil de leur généalogie occultée ? Si l’on parvenait à relier entre eux quelques-uns de ces destins personnels, parviendrions-nous à entrevoir ce qui s’était réellement passé à l’époque ?
    Les témoins sont parfois gênants. Les historiens s’en méfient, car, souvent, les témoins se trompent. Ils reconstruisent peu à peu ce qu’ils ont vécu : ils mélangent ce qu’ils ont réellement vu à ce qu’ils en ont appris par la suite… C’est humain. Les témoins sont pourtant indispensables. Ils sont la preuve de ce qui s’est passé. Ils incarnent l’histoire, lui donnent un visage. Ils racontent ce que nous voulons savoir, et parfois ce que nous voulons entendre. C’est tellement humain.
    Les enfants du Lebensborn , eux, sont cependant des témoins à part. Certains ne connaissent même pas leurs véritables origines. Ou ne veulent pas les connaître. Quant à ceux qui savent, ils n’ont eu d’autre choix que de reconstruire peu à peu ce qu’ils avaient vécu durant leur prime enfance. Ils se sont sans cesse heurtés aux parois d’un dédale silencieux. Mères naturelles honteuses, parents adoptifs non avertis, administration française inflexible, archives allemandes détruites, inconnues ou si difficilement accessibles… Personne ne savait, ne voulait ou ne pouvait dire la vérité. Tout cela était si loin. Si incroyable.
    Il a d’abord fallu retrouver leur trace. Cela n’est pas évident. Les noms de famille avaient parfois été falsifiés pour brouiller les pistes, quand ils furent emmenés en Allemagne, en 1944. Ils avaient pu également

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