Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
lui, s’appelle Gregor Ebner. Médecin de la famille Himmler, ce petit homme chauve est un intime du Reichsführer-SS . Bavarois, né en 1892, Ebner milite au parti National-socialiste depuis 1930. Titulaire de la carte n° 1257 de la SS, il a le grade d’ Oberführer , rang spécifique entre colonel et général. Spécialiste des techniques de sélection raciale, il restera jusqu’au bout la caution « scientifique » du projet. Nous aurons l’occasion de le retrouver.
Dans l’organigramme, figure également Günther Tesch, le responsable du service juridique. Âgé de 28 ans, cet élément prometteur – il deviendra commandant – met au point toutes les procédures qui permettront, si nécessaire, d’occulter le nom des parents et de falsifier l’identité des enfants. En particulier le fameux « état civil parallèle ». Son nom de code : Steinhöring II . À partir de 1940, Tesch planchera aussi sur l’organisation des premiers établissements du Lebensborn en dehors du Reich, dans l’Europe occupée. Puis, sur l’aspect juridique de la « germanisation » de dizaines de milliers d’enfants polonais, tchèques, yougoslaves ou russes, tous arrachés à leurs familles. Nous le reverrons à l’œuvre.
Mais, pour l’heure, les responsables de l’association veulent lutter contre ce qu’ils considèrent comme un fléau démographique : chaque année, plus de 700 000 avortements sont répertoriés en Allemagne. Autant de recrues potentielles qui manqueront un jour à l’appel. La propagande célébrant le culte de la maternité, la criminalisation de l’interruption de grossesse et la fermeture des cliniques qui la pratiquent n’avaient pas totalement dissuadé les jeunes femmes qui portent un enfant illégitime d’avorter. C’est à elles que les « Fontaines de vie » vont s’intéresser en priorité. Dans les maternités SS, elles peuvent accoucher dans l’anonymat, en bénéficiant d’un environnement médical de première qualité. De plus, la naissance de l’enfant n’est pas signalée à la commune de résidence de la mère, et celle-ci peut faire modifier son nom et taire celui du père. Une attestation d’aryanité est alors délivrée au nouveau-né, ce qui lui ouvrira plus tard les portes d’écoles réservées, du parti, de l’armée, probablement de la SS… L’association s’engage aussi à verser une pension aux parturientes, à aider les célibataires à trouver un emploi dans l’administration.
Surtout, le nourrisson peut éventuellement être abandonné, après douze semaines de séjour au Lebensborn …
L’avenir du SS-Kind est tout tracé, dit-on. Il sera confié à une famille adoptive modèle. De nombreuses femmes allemandes trouveront, ce faisant, dans cette « institution » le moyen de se soustraire au jugement moral de leur famille, du voisinage, du prêtre ou du pasteur. Certaines, les plus démunies, y voient leur chance d’échapper à une maternité non désirée. Les officiers supérieurs SS Ebner, Tesch et consorts le rappelleront en 1948 : selon eux, ils travaillaient pour une « œuvre de charité »…
Il n’en était rien. Le Lebensborn , ce projet fou visant à fabriquer une race supérieure, est une organisation criminelle. Et, pour remporter la guerre qui se prépare, Himmler veut apporter au Reich tous les individus racialement valables : « Chaque Germain du meilleur sang que nous amenons en Allemagne […] est un combattant de plus pour nous et de moins pour l’autre côté, déclame-t-il en 1938. J’ai vraiment l’intention de chercher ce sang germain dans le monde entier, de le soustraire et de le voler où je peux. » Ce sera chose faite dans les immenses territoires conquis à l’Est, à partir de 1939, puis de 1941, après la rupture du pacte germano-soviétique. Des populations entières seront déplacées, des dizaines de milliers d’enfants sélectionnés et enlevés.
Car l’essentiel est là : les « Fontaines de vie » sont indissociables de la machine de mort nazie. Dans le grand empire qui doit régner sur l’Europe, dans le futur État SS modèle peuplé de « 120 millions de Germains nordiques en 1980 » que Heinrich Himmler rêve bientôt d’instaurer sur le territoire de l’ancienne principauté de Bourgogne – de l’Artois à la Suisse romande, en passant par le Hainaut, le Luxembourg, la Lorraine, la Picardie, la Champagne, l’actuelle Bourgogne et la Franche-Comté –, il
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