L’élixir du diable
semblait apprécier les requêtes occasionnelles de Michelle, que ce soit pour quelque chose d’aussi banal qu’aller ouvrir la porte, ou pour quelque chose de plus intime, disons. Et c’était l’origine de cette alteza , qu’elle avait fini par aimer et qu’elle préférait de loin aux divers surnoms machos que ses collègues lui attribuaient derrière son dos quand elle était à la DEA. Alteza était bien plus doux aux oreilles et avait une consonance romantique vieux monde. C’était un mot qui amenait un petit sourire au coin de ses lèvres chaque fois qu’elle entendait Tom le prononcer.
Ce sourire ne reviendrait pas.
Au moment où le chœur faisait place au solo de guitare de la fin de la chanson, Michelle entendit quelque chose de moins agréable.
Ce n’était pas la voix de Tom. C’était autre chose.
Deux claquements secs, métalliques, comme ceux d’un pistolet à clous. Sauf que Michelle savait qu’ils ne provenaient pas d’un pistolet à clous. Elle avait entendu suffisamment d’armes de poing munies d’un silencieux dans sa vie pour en reconnaître le bruit.
Tom .
Elle cria son nom en se mettant en mouvement, propulsée par l’instinct et l’entraînement, presque sans réfléchir, comme si la menace de la mort avait déclenché en elle une sorte de réflexe pavlovien. Ses yeux repérèrent le grand couteau de cuisine parmi les couverts en désordre et elle le tenait déjà fermement dans sa main lorsqu’elle contourna le comptoir et se rua vers la porte de la cuisine.
Elle l’atteignait au moment où une forme en surgissait, un homme en combinaison blanche, casquette noire, masque noir lui couvrant le visage du nez au menton, un pistolet avec silencieux dans la main. La fraction de seconde pendant laquelle elle l’entrevit lui révéla quelques traits vagues – corpulent, une sale peau, une coupe à la tondeuse – mais, surtout, Michelle fut frappée par la détermination inébranlable qui animait ce type et qu’exprimait son regard. Le prenant de vitesse, elle se jeta sur lui, écarta le pistolet de sa main gauche tout en lui plongeant dans le cou le couteau qu’elle tenait dans sa main droite. Au-dessous de ses yeux écarquillés de stupeur, la lame avait fait descendre le masque, révélant une épaisse moustache noire à la Fu Manchu. Du sang gicla de sa bouche. Lâchant le pistolet, il saisit le manche du couteau à deux mains et tenta de l’extraire mais Michelle l’avait profondément enfoncé. Elle avait aussi tranché la carotide, comme le prouvait le flot de sang éclaboussant le chambranle de la porte à sa gauche.
Michelle n’avait pas l’intention de traîner dans le coin, pas quand ses tripes lui criaient que l’homme n’était probablement pas seul.
D’un coup de pied dans le torse gargouillant de l’intrus, elle le projeta contre le mur du couloir, loin du pistolet tombé par terre. Elle se baissait pour le ramasser quand un autre homme apparut au bout du couloir, armé et masqué lui aussi. Il sursauta en découvrant le corps ensanglanté de son copain puis ses yeux se fixèrent sur Michelle et son pistolet se leva, fermement tenu à deux mains. Elle se figea, prise dans la ligne de tir, et vit la mort, là, devant elle, dans le couloir menant à sa cuisine, mais la mort ne vint pas. L’homme la tint sous la menace de son arme une longue seconde, assez longtemps pour qu’elle se jette à terre et saisisse le pistolet, roule sur elle-même et tire deux fois en direction de l’intrus. Les balles arrachèrent des morceaux de bois et de plâtre autour de l’homme qui recula vivement hors de portée en beuglant :
— Elle a un flingue !
Il y en avait d’autres.
Elle ne savait pas combien ils étaient, ni qui ils étaient. Elle ne savait qu’une chose : Alex était dehors. Il fallait sortir de la maison et le mettre en sûreté.
Passant en surrégime, son esprit se concentra sur cet unique objectif. Elle redescendit le couloir, s’abrita derrière le mur de la cuisine et, tentant d’ignorer le sang qui battait à ses oreilles, s’efforça de capter le moindre bruit provenant du devant de la maison. Puis elle tira trois coups rapides dans le couloir pour dissuader ses assaillants de la suivre, traversa la cuisine, déboula dans le patio, courant aussi vite que ses jambes le lui permettaient.
Assis dans l’herbe, Alex orchestrait une énième bataille épique entre deux factions de sa petite armée de figurines Ben 10. Sans ralentir,
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