L'empereur des rois
est contraint d’évacuer le Portugal. Masséna recule, et Wellington avance. Est-ce possible ? Il destitue Masséna.
Au nord, sur la frontière du grand-duché de Varsovie, tous les renseignements confirment la concentration des troupes russes.
Le lundi 15 avril 1811, alors qu’on célèbre la fête de Pâques, il harcèle les ministres. De temps à autre, il quitte son cabinet de travail pour accueillir les délégations qui viennent le féliciter de la naissance du roi de Rome. Il écoute les compliments, les discours. Il accompagne l’Impératrice, qui s’avance sur la terrasse des Tuileries pour sa première promenade et que la foule acclame.
Mais à quoi serviraient ces hommages, et pourquoi ce fils, si l’Empire s’effondrait ?
Se battre, donc.
Il retourne dans son cabinet de travail. Il y passe plusieurs nuits. Il est persuadé que les troupes russes peuvent attaquer un jour ou l’autre. Il reçoit Champagny. Le ministre paraît désemparé. Il est incapable de faire face à la situation. Homme fidèle mais qui n’a pas su prévoir ces risques de guerre.
— L’empereur Alexandre est déjà loin de l’esprit de Tilsit, commence Napoléon. Toutes les idées de guerre viennent de la Russie. Si Alexandre I er n’arrête pas promptement cette impulsion, il y sera entraîné l’année prochaine, malgré lui. Et ainsi la guerre aura lieu, malgré moi, malgré lui, malgré les intérêts de la France et ceux de la Russie.
Il fait quelques pas, fixe Champagny.
— J’ai déjà vu cela si souvent que c’est mon expérience du passé qui dévoile cet avenir, reprend-il.
Il hausse le ton, a un mouvement de tout le corps pour marquer sa colère.
— Tout cela est une scène d’opéra, et ce sont les Anglais qui tiennent les machines.
Champagny n’a pas compris ce mécanisme. Il faut le remplacer.
— Monsieur le duc de Cadore, dit-il en s’approchant de Champagny, je n’ai eu qu’à me louer des services que vous m’avez rendus dans les différents ministères que je vous ai confiés ; mais les affaires extérieures sont dans une telle circonstance que je crois nécessaire au bien de mon service de vous employer ailleurs.
Champagny baisse la tête.
Je ne veux humilier personne, mais mon devoir est de choisir les hommes capables et de renvoyer ceux qui sont incompétents .
Maret, duc de Bassano, qui travaille avec moi chaque jour, remplacera Champagny .
Il est tendu. Il retrouve Marie-Louise dans les jardins de Trianon ou dans les parcs des châteaux de Rambouillet ou de Compiègne. Elle l’émeut, mais depuis que le roi de Rome est né c’est comme si une parenthèse heureuse de bonheur et d’insouciance s’était refermée.
Il se plie à nouveau à la discipline exigeante du travail. Parfois même, au milieu de la nuit, il s’interrompt et mesure qu’il n’a jamais autant consacré d’heures à administrer l’Empire, à dicter. Et, peu à peu, il perçoit que la machine un instant ralentie se remet en route. Il en éprouve une sorte d’exaltation. Les enjeux sont encore plus grands qu’autrefois. Il a un fils. Il tient en main toutes les cartes de l’Europe, à trois exceptions près : l’Espagne, qui est une plaie ouverte ; l’Angleterre, que la crise économique étouffe ; et la Russie, qu’il faut soumettre.
Faudra-t-il lui faire la guerre ?
— Je ne veux pas la guerre, dit-il à Maret, mais j’ai du moins le droit d’exiger que la Russie reste fidèle à l’alliance.
Il compulse les registres de ses armées. Il faut de nouveaux régiments. Il faut lever de nouvelles recrues, remonter la cavalerie et l’artillerie. Faire avancer les troupes à travers l’Allemagne, sans attirer l’attention.
— Je préfère avoir des ennemis à avoir des amis douteux, dit-il. Et cela me serait en effet plus avantageux.
Souvent, après une nuit de travail, il a l’impression que tout son corps éclate. Il a besoin de mouvement. Il chasse dans la forêt de Saint-Cloud ou de Saint-Germain. Et il se lance dans des galops effrénés, toujours à la tête de la petite troupe de généraux ou d’aides de camp qui l’accompagnent.
Il oublie, dans l’effort, les problèmes qui l’assaillent.
Joseph se plaint, se prétend malade, veut quitter Madrid. Murat, à Naples, agit à sa guise, comme un souverain qui ne me devrait pas son trône et qui n’aurait pas à exécuter mes ordres .
— S’il croit qu’il règne à Naples autrement que pour le
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