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L'empereur des rois

L'empereur des rois

Titel: L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’attend, tassée, les yeux remplis de larmes. Fouché lui a parlé dans l’embrasure d’une fenêtre, au moment où elle revenait de la messe. Il l’a invitée – oh, après mille détours – à accomplir, a-t-il dit, le « plus sublime et en même temps le plus inévitable des sacrifices ». Ce sont les mots qu’il a employés. A-t-il parlé sur l’ordre de l’Empereur ? demande-t-elle. Napoléon veut-il la répudier ?
    Il la regarde longuement. Il se souvient de ce qu’elle a été pour lui. Il la prend dans ses bras.
    Fouché a agi de sa propre initiative, murmure-t-il.
    Qu’il le chasse, alors, dit-elle en se serrant contre lui.
    Il s’écarte. Fouché a agi pour des raisons politiques, explique-t-il sans la regarder. Comprendra-t-elle qu’en disant cela, qu’en refusant de renvoyer Fouché, il dévoile ses pensées ? Mais il ne peut pas, il ne veut pas encore se séparer d’elle.
    Il revient vers elle, la rassure.
    Il choisira seul le moment. Il décidera seul.
     
    Le jeudi 5 novembre 1807, quand il rentre à son cabinet de travail après cette nuit passée avec Joséphine, il écrit, faisant de nombreuses taches sur la feuille, tant il trace vite les mots :
    « Monsieur Fouché, depuis quinze jours, il me revient de votre part des folies ; il est temps que vous y mettiez un terme et que vous cessiez de vous mêler directement ou indirectement d’une chose qui ne saurait vous regarder, d’aucune manière ; telle est ma volonté.
    « Napoléon »
    Il a fermé dans sa tête ce tiroir du divorce. Pour l’instant. Il s’étonne même d’y avoir consacré tant de temps. Il n’en veut pas à Fouché. Peut-être cela prépare-t-il l’avenir.
    Il se lève, ce vendredi 6 novembre 1807, avec le sentiment qu’il est plus léger. Les grandes choses qu’il doit accomplir n’attendent pas. Il interpelle le ministre de l’Intérieur, Crétet. Où en sont les grands travaux ? Qu’a-t-on entrepris pour faire disparaître la mendicité ?
    — J’ai fait consister la gloire de mon règne à changer la face du territoire de mon Empire, dit-il.
    Il examine les projets. Ouvrons « soixante ou cent maisons pour l’extirpation de la mendicité », dit-il. Au travail, de l’énergie ! « Faites courir tout cela et ne vous endormez pas dans le travail ordinaire des bureaux ! »
    Ce ministre comprendra-t-il ? Il lui lance :
    — Il ne faut point passer sur cette terre sans y laisser des traces qui recommandent notre mémoire à la postérité.
    Il appelle Constant.
    Il veut arborer, aujourd’hui, tout le jour, le grand cordon de Saint-André, la décoration que le tsar lui a remise. Les hommes sont sensibles à ces détails futiles. Et il reçoit le nouvel ambassadeur de Russie, le comte Tolstoï.
     
    Il va au-devant du comte Tolstoï dans la grande galerie du château de Fontainebleau. Il faut sourire, séduire. Cette alliance avec la Russie est nécessaire. Mais cet homme au teint pâle ne lui plaît pas. Le comte Tolstoï répond par monosyllabes. Il ne remercie pas pour la résidence qui lui a été offerte, un hôtel particulier meublé, me Cerutti, acheté à Murat. Il se dérobe aux questions.
    Quel ambassadeur le tsar m’a-t-il envoyé ?
    Quand il parle, c’est pour réclamer l’évacuation de la Prusse par les troupes françaises .
    — Le Prussien vous jouera encore de mauvais tours, dit Napoléon.
    Évacuer la Prusse ? Pourquoi pas ? poursuit-il.
    Il prend Tolstoï par le bras. Il sent le comte Tolstoï se raidir.
    — Mais on ne déplace pas une armée comme on prend une prise de tabac, ajoute Napoléon.
    L’ambassadeur ne sourit pas, ne semble même pas avoir remarqué le cordon de Saint-André.
    Napoléon s’écarte.
    Cet homme paraît inquiet de chaque marque d’attention.
    Sait-il ce qui s’est passé à Tilsit entre Alexandre et moi ?
    Mais j’ai besoin de l’alliance russe. La réalité dicte toujours sa loi .
    Il doit donc toute la journée entourer Tolstoï de prévenances, multiplier les signes de considération.
     
    Le lendemain, il convoque le grand écuyer Caulaincourt.
    — Il me faut à Pétersbourg, dit-il, un homme bien né, dont les formes, la représentation et la prévenance pour les femmes et la société plaisent à la cour. Savary a envie de rester à Pétersbourg, mais il ne convient pas là. Alexandre vous a conservé de la bienveillance…
    Il s’approche de Caulaincourt. Il sait que le grand écuyer ne veut pas être

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