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L'empereur des rois

L'empereur des rois

Titel: L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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grises des plateaux lorrains. La voiture est souvent contrainte de ralentir. Il se penche avec un mouvement d’impatience. La route est encombrée de fourgons et de berlines, de chevaux de selle et de carrosses, de cavaliers qui portent la livrée impériale.
    Il lui semble reconnaître dans l’une des voitures Mlle Bourgoing, avec son menton pointu, ses boucles, son regard mutin. Il se souvient de la rouerie de cette jolie comédienne qui s’abandonnait à lui tout en étant la maîtresse de Chaptal. Il sourit. Pauvre Chaptal qui, dans l’aventure, y a perdu son ministère !
    Il demande à Méneval, qui se tient dans le coin opposé de la berline, de lui donner la liste des comédiens invités à jouer à Erfurt.
    — Trente-deux, murmure-t-il après avoir écouté Méneval.
    Il ne peut s’empêcher d’évaluer à 1 000 écus par tête pour frais de voyage, et en outre plusieurs milliers de francs de gratification pour les premiers sujets, quelle dépense a ainsi été engagée.
    — Je vais étonner l’Allemagne par cette magnificence, dit-il.
    Il chantonne, récite quelque vers de Cinna .
    Tous ces crimes d’État qu’on fait pour la couronne
    Le ciel nous en absout alors qu’il nous la donne
    Le passé devient juste et l’avenir permis
    Qui peut y parvenir ne peut être coupable
    Quoi qu’il ait fait ou fasse il devient inviolable .
    Il les répète.
    — C’est excellent, et surtout pour ces Allemands qui restent toujours sur les mêmes idées et qui parlent encore de la mort du duc d’Enghien, dit-il. Il faut agrandir leur morale.
    La route est à nouveau dégagée, le temps est beau, sec et froid. Les villages se découpent sur un horizon bleu.
    — On donnera donc Cinna , ce sera pour le premier jour, reprend-il. C’est bon pour les hommes à idées mélancoliques dont l’Allemagne est remplie.
     
    Il ferme les yeux.
    C’est une partie serrée qu’il va jouer. Il doit en être à la fois l’ordonnateur et le vainqueur. Il a invité les rois de Saxe, de Wurtemberg et de Bavière, les princes, les grands-ducs et ducs d’Allemagne et de Pologne, les diplomates, les maréchaux, Oudinot, Davout, Lannes, Berthier, Mortier, Suchet, Lauriston, Savary, Soult. Et naturellement Champagny. Talleyrand sera là comme grand chambellan.
    Il faudra se servir de chaque homme comme d’un atout. Et même des acteurs de la Comédie-Française. Il faut envelopper Alexandre, le séduire, le conduire à faire pression sur l’Autriche, pour qu’elle ne s’engage pas dans une guerre avant que j’en aie fini avec l’Espagne .
    C’est cela, l’enjeu.
    — Nous allons à Erfurt, murmure-t-il. Je veux en revenir libre de faire en Espagne ce que je voudrai ; je veux être sûr que l’Autriche sera inquiète et contenue.
    J’ai besoin d’Alexandre I er pour cela .
     
    Il a hâte d’arriver à Erfurt où Talleyrand doit déjà être installé. Il s’interroge. A-t-il eu raison de confier au prince de Bénévent le soin de rédiger un projet de traité avec Alexandre I er , afin de renouveler l’alliance de Tilsit et de prévoir une intervention russe contre l’Autriche si celle-ci menace la France ?
    On arrive à Châlons. Il est 20 heures. Il s’enferme avec Méneval, examine les textes préparés par Talleyrand. Le prince de Bénévent semble avoir oublié le passage du traité qui, précisément, concerne l’Autriche ! Alors que c’était là l’article essentiel.
    Il a un pressentiment.
    Talleyrand le vénal, le « Blafard », va peut-être jouer sa propre carte, ménager Vienne pour préparer son avenir personnel. Car lui aussi doit songer à ma chute, à ma mort sans héritier. Il me faut un fils .
    Il dicte une dépêche pour le maréchal Oudinot, qui doit rassembler à Erfurt, en vue des parades qui se dérouleront devant l’empereur Alexandre, les escadrons les plus prestigieux.
    « Je veux, avant de commencer la négociation, que l’empereur Alexandre soit ébloui par le spectacle de ma puissance. Il n’y a point de négociation que cela ne rende plus facile. »
     
    Il passe par Metz, Kaiserslautern, Mayence, Kassel, Francfort. Il ne dort que quelques heures, reprenant la route à 4 heures, dans la nuit. Il s’arrête pour assister à une revue de troupes. Il faut qu’on le voie. Mais, après Francfort, il ne quitte plus sa berline de toute la journée du lundi 26 septembre, et il roule encore toute la nuit.
    Le matin, à 9 heures, en compagnie du général

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