L'énigme de l'exode

avant Jésus-Christ mais correspond presque parfaitement à celle des royaumes des VII e et VI e siècles avant Jésus-Christ ?
    — Que faites-vous des parallèles qui existent entre les religions ? demanda Stafford sur un ton moins assuré. Vous ne pouvez les nier.
    — L’Égypte de la dix-huitième dynastie était la plus grande puissance de cette région du monde. Ses armées ont occupé Canaan pendant des centaines d’années. Et même après l’occupation, elle a gardé des relations commerciales avec le roi de Canaan. Ses coutumes et ses rituels ont été adoptés par les Cananéens, tout comme on retrouve des coutumes françaises et anglaises dans les anciennes colonies. Quant au monothéisme, n’avez-vous pas envisagé qu’il puisse s’agir d’une simple coïncidence ? Les religions ont toujours été basées sur l’idée selon laquelle un dieu est plus fort qu’un autre. Dans le monothéisme, cette logique est simplement poussée à l’extrême. Bien avant qu’Akhénaton n’ait reconnu en Aton le dieu unique, les Égyptiens avaient fait la même chose avec Atoum.
    — Oui, mais...
    — Et comparons les dieux eux-mêmes. Si Aton a une relation exclusive avec Akhénaton, le dieu de Moïse conclut une alliance avec chaque Juif. Aton est fantasque et pacifique, c’est le dieu d’un esthète. Le dieu de Moïse, en revanche, est vengeur, jaloux et violent. Considérons également les mythes de la création. Chez Aton, c’est simple, il n’y en a pas, alors que la Genèse en compte deux. De plus, le dieu de Moïse demeurait dans le saint des saints. Aton, lui, faisait l’objet d’un culte en plein air. Et relisez la façon dont Moïse a reçu les Dix Commandements : son dieu est clairement associé à un volcan. Or, il n’y a aucun volcan en Égypte ni dans le Sinaï.
    Fatima finit par s’emporter.
    — Vous dites que je me cache la tête dans le sable lorsque j’affirme qu’il n’y a aucun lien entre Akhénaton et Moïse, lança-t-elle avec colère. Mais vous avez tort. Tout ce que je dis, c’est qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve de ce lien. Je suis archéologue, monsieur Stafford. Apportez-moi une preuve et je me rangerai volontiers à votre point de vue. En attendant...
    Elle laissa sa phrase en suspens en faisant un geste dédaigneux de la main.
    Stafford serrait les dents au point que les muscles de ses mâchoires saillaient.
    — Eh bien, conclut-il, nous sommes d’accord sur un point : nous sommes en désaccord.
    — Je vous le confirme, dit Fatima.

    II
    Peterson s’agenouilla à côté d’Omar Tawfiq, sur le fossé jonché d’éclats de verre qui réfléchissaient la lumière bleu pâle de la lune. Omar, la tête renversée dans une position improbable et horrible, avait le visage lacéré et couvert de sang en train de coaguler. Le pasteur était si sûr qu’il était mort qu’il eut un sursaut quand Tawfiq se mit brusquement à haleter pour reprendre sa respiration.
    La jeep, couchée sur le flanc, grinçait, crissait et sifflait, comme si elle aussi était en proie à une grande douleur. Peterson se baissa pour regarder à travers le cadre vide du pare-brise. Knox, retenu par sa ceinture, était effondré contre la portière. Les cheveux collés et luisants, il avait au coin de la bouche des bulles de sang qui gonflaient et rétrécissaient au rythme de sa respiration. Il ouvrit les yeux, sembla distinguer Peterson, puis son regard se perdit dans le vague et il ferma de nouveau les paupières.
    Appuyé sur le capot froissé, Peterson tendit la main à l’intérieur et tenta de trouver le téléphone portable. Il tâta la poche droite du pantalon de Knox et sentit un portefeuille, qu’il laissa à sa place. Lorsqu’il palpa la poche gauche, il rencontra un objet compact et dur, mais ne parvint pas à s’en saisir. Il décida alors de détacher la ceinture et de tirer Knox vers lui pour s’emparer de son téléphone. Mais la boucle resta coincée dans l’attache. Contrarié, il s’assit au bord du fossé pour réfléchir.
    Il savait qu’une commotion cérébrale sévère pouvait causer des troubles de la mémoire à court terme. Lorsqu’il était jeune, avant d’avoir rencontré Dieu, il était tombé du toit d’une maison dans laquelle il tentait d’entrer par effraction. Il avait repris connaissance sur l’allée en asphalte, sous les yeux de son acolyte qui riait à gorge déployée. Aujourd’hui encore, il n’avait plus aucun souvenir