Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
Vous y consacrerez quelques heures, chaque jour, en guise de distraction. Car vous allez travailler, certes oui.
    Il courut à son bureau et saisit une feuille de papier. D'un geste, il convia Nicolas à prendre place sur le grand fauteuil de damas rouge.
    — Écrivez, je veux savoir si votre main est bonne.
    Nicolas, plus mort que vif, s'appliqua de son mieux. Sartine réfléchit quelques instants, sortit une petite tabatière d'or de la poche de son habit, y cueillit une pincée qu'il plaça délicatement sur le dos de sa main. Il renifla, une narine après l'autre, ferma les yeux de contentement et éternua bruyamment, projetant des particules noires tout autour de lui et sur Nicolas, qui tint ferme sous l'orage. Le lieutenant se moucha avec de longs soupirs d'aise.
    — Allons, écrivez: «Monsieur, il m'apparaît utile pour le service du roi et pour le mien que vous preniez, dès ce jour, comme secrétaire, gagé sur ma caisse, Nicolas Le Floch. Je vous saurais gré de l'accueillir, au pot et au feu, et de me rendre compte exactement de son service. » Portez l'adresse: «À M. Lardin, commissaire au Châtelet, en son logis, rue des Blancs-Manteaux. »
    Puis, s'emparant prestement de la lettre, il l'approcha de ses yeux et l'examina.
    — Soit, un peu bâtarde, oui, un peu bâtarde, déclara-t-il en riant. Mais cela ira pour un début. Il y a la plume, il y a l'action.
    Il reprit son fauteuil abandonné par Nicolas, signa la missive, la sabla, la plia, enflamma un morceau de cire aux braises déposées dans un pot de bronze, l'écrasa sur le papier et y imprima son sceau, le tout en un tournemain.
    — Monsieur, la charge que je vous veux voir prendre auprès du commissaire Lardin exige des qualités de probité. Savez-vous ce qu'est la probité?
    Nicolas, pour le coup, se jeta à l'eau.
    — C'est, monsieur, l'exactitude à remplir les obligations d'un honnête homme et...
    — Mais il parle ! Bon. Cela sent encore son collège, mais ce n'est pas faux. Vous devrez être discret et prudent, savoir apprendre et savoir oublier, être capable d'entrer dans le secret de la confidence. Il vous faudra apprendre à rédiger des mémoires suivant les choses qui vous seront commises, leur donner le bon tour. Saisir au vol ce qu'on vous dira et deviner ce qu'on ne vous dira pas, enfin rebondir sur le peu de mots que vous aurez saisi.
    Il ponctuait ses paroles de son index levé.
    — Non seulement cela, mais vous devez aussi être témoin juste et sincère de ce que vous verrez sans rien diminuer qui puisse en altérer le sens, ni paraître le changer en rien. Songez, monsieur, que de votre exactitude dépendront la vie et l'honneur d'hommes qui, fussent-ils de la plus basse canaille, doivent être traités selon les règles. Vraiment, vous êtes bien jeune, je me demande... Mais, après tout, votre parrain l'était aussi lorsqu'à votre âge il franchit la tranchée sous le feu au siège de Philippsbourg avec M. le maréchal de Berwick qui, lui d'ailleurs, y laissa la vie. Et moi-même...
    Il paraissait songeur et, pour la première fois,Nicolas vit briller dans son regard comme un éclair de compassion.
    — Il faudra être vigilant, prompt, actif, incorruptible. Oui, surtout incorruptible. (Et il frappait de la paume sur la précieuse marqueterie du meuble.) Allez, monsieur, conclut Sartine en se levant, vous êtes désormais au service du roi. Faites en sorte que l'on soit toujours content de vous.
    Nicolas s'inclina et prit la lettre qu'on lui tendait. Il approchait de la porte quand la petite voix moqueuse l'arrêta avec un ricanement.
    — Vraiment, monsieur, vous êtes mis à ravir pour un Bas-Breton, mais maintenant vous êtes parisien. Allez chez maître Vachon, mon tailleur, rue Vieille-du-Temple. Faites-vous faire plusieurs habits, du linge et les accessoires.
    — Je ne...
    — Sur mon compte, monsieur, sur mon compte. Il ne sera pas dit que j'aurai laissé loqueteux le filleul de mon ami Ranreuil. Beau filleul, en vérité. Disparaissez et obéissez au moindre appel.

    Nicolas retrouva les bords du fleuve, avec soulagement. Il respira profondément l'air froid. Il avait le sentiment d'avoir surmonté cette première épreuve, même si certaines phrases de Sartine ne laissaient pas de l'inquiéter un peu. Il regagna presque en courant le couvent des Carmes Déchaux où le bon père l'attendait en pilonnant furieusement des plantes innocentes.
    Grégoire dut tempérer l'ardeur de Nicolas qui finit par se

Weitere Kostenlose Bücher