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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Sartine ! Voilà qui l'emporte sur la disparition de Lardin. Celui-là était un ami, certes, mais qu'il me plaisait de tenir à distance. Je l'avais encore vu la semaine passée.
    Marion l'interrompit avec autorité en disposant sur la table à jouer une deuxième chocolatière d'argent, une tasse et sa soucoupe en porcelaine de Rouen, ainsi qu'une assiette des fameux pains mollets et un confiturier.
    — Je vois, Nicolas, que vous avez des intelligences dans la place. Je n'ai pas droit, pour ma part, à ces délices fruitiers.
    — Il ferait beau voir ! s'écria Marion. Vous en aurez quand vous m'aiderez à éplucher les coings, comme le fit, un jour de septembre dernier, M. Nicolas. Et puis vous êtes trop gourmand.
    Marion versa le breuvage fumant tout en continuant à vitupérer sourdement. Les tasses s'emplirent d'un liquide mousseux marron clair d'où s'exalaient l'arôme chaleureux du chocolat et la touche subtile de la cannelle. Cyrus sauta sur les genoux de Nicolas dont il connaissait la générosité à son égard. Le jeune homme, chez qui le chasseur ne sommeillait jamaisque d'un œil et qui suivait toujours son idée fixe, attendit que Marion sorte avant de relancer le procureur sur Lardin.
    — Quel jour m'avez-vous dit l'avoir rencontré ?
    — Jeudi dernier.
    — Vous êtes donc l'une des dernières personnes, à ce qu'il paraît, à l'avoir vu.
    — La rencontre fut brève. Il me parut sombre à l'excès, davantage que d'habitude. Vous le connaissez, avec son humeur secrète, vindicative et agitée, l'homme n'est guère aimable. Un bon policier toutefois, et c'est ce qui nous rapprochait. Jeudi dernier, il était semblable à lui-même. Pourtant, en le quittant il m'a fait pitié, il paraissait désemparé hors de toute mesure.

    — Et Mme Lardin ?
    M. de Noblecourt sembla considérer dans le vide quelque charmante apparition.
    — La belle Louise ? Il y a beau temps que je n'ai eu l'avantage de lui présenter mes hommages. Le morceau est friand, quoique proche de la trentaine, mais il n'est plus de mon âge. Encore qu'avec elle l'âge ne fait rien à l'affaire et que, jeune gardon ou vieux barbon, tout fait bouche, si j'ose dire, pourvu que certain tintement de bon aloi se fasse sentir...
    Il souligna son propos d'un clin d'œil si énergique que sa calotte se dérangea et glissa de travers sur le front. Le vieil homme but une gorgée de chocolat, s'essuya la bouche, rompit un pain, puis le reposa avec un soupir en se penchant vers Nicolas. Il reprit d'une voix basse :
    — Il y a quelque anguille sous roche, mon cher enfant. Je ne suis pas assez retiré du monde pour ignorer les rumeurs qui courent sur Lardin. Ni assez candide pour ne pas avoir compris à quels motifsobéissait M. de Sartine en vous plaçant, contre toute raison, chez ce couple diabolique.
    Il s'arrêta, mais Nicolas resta de marbre.
    — Ne me dites pas que la Lardin ne vous a pas fait des avances ?
    Pour le coup, Nicolas devint écarlate.
    — Hé, hé, fit le vieillard, à ce point là ? Serviteur, monsieur. Mais je n'en veux rien savoir. Le malheur planait sur cette maison. Ne me demandez pas pourquoi, mais je le sentais s'approcher. Je voyais Lardin promis à de tristes aboutissements, débauche secrète ou passion à laquelle on sacrifie tout. La convoitise de la chair ou de l'or, cette « sangsue » dont parle Salomon, c'est l'esprit du siècle. On veut jouir sans restriction. S'il était possible de percer les murailles et de pénétrer dans les demeures les plus secrètes, on découvrirait ce qui s'y passe de plus infâme. Moi, vieux sceptique, épicurien s'il en fut, je contemple mon temps et j'en stigmatise les mœurs après en avoir puni les crimes.
    Il hochait la tête d'un air attristé en considérant, l'un après l'autre, le pain et la confiture. Cyrus s'était dressé et tremblait d'excitation en observant le manège de son maître. Après avoir vérifié que Marion n'était pas dans les parages, M. de Noblecourt se saisit prestement d'une moitié de pain, la couvrit d'une épaisse couche de gelée et engloutit le tout en deux bouchées voraces.
    — Ma présence était, en effet, bien pesante aux Lardin, dit Nicolas. Désormais elle est devenue impossible. Il doit vous apparaître comme à moi que, chargé de l'enquête sur la disparition du commissaire et sans vous dévoiler les secrets d'une investigation délicate, je ne puis continuer à demeurer en un lieu où je serais juge tout en restant un obligé.
    —

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