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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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arrivée, il s'enquit auprès du geôlier en chef de la cellule dans laquelle l'inspecteur avait fait incarcérer Semacgus. Il lui fut répondu que M. Bourdeau était demeuré enfermé toute la nuit avec un prisonnier inconnu enregistré sous le nom de « M. d'Issy » ; il s'y trouvait d'ailleurs encore. C'était une cellule à pistoles, au confort décent, avec un ordinaire pouvant être commandé à l'extérieur. Nicolas admira la prudence de son adjoint.
    Après s'être fait reconnaître, le jeune homme entra dans la pièce et fut frappé par l'atmosphère confinée, mélange d'odeur de paille et d'âcreté de corps en sommeil. Au-dessus de tout cela, flottaientdes miasmes de fumée froide. Semacgus et Bourdeau avaient dû sacrifier à leur penchant commun du tabac. L'inspecteur était en redingote, la cravate dénouée et sa chevelure grise ébouriffée. Semacgus, allongé sur la paille de la couchette, dormait, le tricorne sur les yeux. Sur la table, des carcasses de poulets, deux verres et trois bouteilles vides témoignaient que les événements tragiques de Vaugirard n'avaient pas coupé l'appétit aux deux compères. Nicolas songea que ce n'était pas là la manière de faire d'un assassin présumé. Il se corrigea aussitôt ; la remarque pouvait tout aussi bien confirmer la dureté de cœur et l'insensibilité d'un criminel avéré. Il prit la chose comme une leçon. Toute apparence avait une double face, selon le jugement porté a priori dans un sens ou dans un autre. Il mesura ainsi la fragilité des témoignages humains soumis aux humeurs et à la première impulsion donnée.
    Après avoir considéré Semacgus allongé, il pria Bourdeau d'aller faire toilette et de le rejoindre ensuite ; il souhaitait demeurer seul avec le suspect. Bourdeau obéit, non sans dissimuler le désappointement que cet éloignement lui causait. De fait, Nicolas avait ses raisons de préférer une entrevue sans témoin. Il la justifiait — sans se convaincre lui-même — par la nécessité de préserver son mystère et, par conséquent son autorité, aux yeux de son adjoint. La vérité, plus prosaïque, résidait dans le fait que, n'ayant pas tout dit à Bourdeau de ses aventures de la veille et de sa nuit chez la Satin, il ne voulait pas être pris en flagrant délit de dissimulation.
    Nicolas hésita encore un moment avant de secouer l'épaule de Semacgus. Il avait scrupule à tirer de son repos un homme promis aux plus graves accusations et pour lequel ses sentiments n'avaient pasvarié. Semacgus soupira, se redressa et son chapeau roula à terre. L'effroi fugitif qui se dessina sur son visage disparut lorsqu'il reconnut Nicolas.
    — Le vin de M. Bourdeau est plus efficace par ses qualités narcotiques et soporatives que l'élixir opiacé le mieux concentré, dit-il en bâillant. Par Dieu, quel sommeil ! Mais vous voilà la mine bien sérieuse, mon cher Nicolas...
    Il se leva et saisit une chaise sur laquelle il s'installa à califourchon.
    — C'est sans doute à vous que je dois d'être logé dans cette chambre ? Je vous en sais gré.
    Il y avait à la fois de la reconnaissance et de l'ironie dans sa voix.
    — Je crois, en effet, que vous le pouvez, sourit Nicolas. Outre que vous auriez pu passer la nuit dans l'un de ces séjours divins que sont « La Barbarie » ou « Les Chaînes », on eût pu préférer vous accueillir dans « La Fin d'aise », célèbre par ses reptiles et son ordure, ou encore dans « La Fosse », en cône renversé, dans laquelle, le dos courbé et les pieds dans l'eau, il vous aurait été loisible de méditer sur l'inconvénient de ne pas faire confiance à ses amis 45 .
    — Oh ! Oh ! Voilà, je le crois, une pierre dans mon jardin qui impose que celui qui la jette en fournisse aussi l'explication.
    Nicolas s'assit sur l'autre chaise.
    — J'ai voulu que cet entretien n'ait pas de témoin, reprit-il. Ce n'est pas un interrogatoire officiel. La chose viendra peut-être mais, pour le moment, je voudrais vous parler de certains faits avec la plus grande ouverture. N'y voyez ni malice ni ruse de ma part. Vous y discernerez sans doute un peu de candeur, mais c'est une part préservée de moi-mêmeque je n'entends pas encore abandonner. La forteresse est pourtant investie et vous y avez contribué...
    Semacgus écoutait, sans trace d'émotion particulière.
    — Vous n'avez, à aucun moment, joué partie claire avec moi. Dès notre rencontre à la Basse-Geôle, vous vous êtes montré fuyant,

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