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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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nous...
    On entendit une voix qui s'enquérait du visiteur.
    — Je crois que Monsieur s'impatiente. Il prend, comme d'habitude, son chocolat dans sa chambre. Suivez-moi, il va être si content.
    La chambre de M. de Noblecourt était une belle pièce aux lambris vert pâle rehaussés d'or. Elle donnait sur la rue Montmartre par une double porte-fenêtre ouvrant sur un balcon. Le maître de maison avait souvent expliqué à son élève le plaisir qu'il prenait,chaque matin, vêtu d'une robe de chambre de perse fleurie et le chef couvert d'une calotte pourpre, à rêvasser en prenant son chocolat. Il regardait, dès l'aube, croître l'animation de la rue, observant avec philosophie les mille et un petits incidents de la vie quotidienne. Il se laissait aller à l'engourdissement heureux où la chaleur du breuvage exotique et l'espèce de langueur que celui-ci lui procurait le plongeaient dans une béatitude parfois suivie d'un somme. Cyrus faisait des allées et venues entre Nicolas et son maître, puis il sauta sur les genoux du magistrat.
    — Le soleil et Nicolas sont de retour, alléluia ! s'écria le vieil homme. Mon enfant, asseyez-vous. Marion, vite, une chaise et une tasse. Rapporte-nous bien vite du chocolat chaud et quelques-uns de ces pains mollets que me fournit mon boulanger de locataire.
    Sous la calotte s'épanouissait un visage poupin, aux yeux étonnamment clairs. À droite du nez fort et coloré, une verrue attirait le regard, que Nicolas, qui n'avait pas encore oublié ses humanités, comparait à celle de Cicéron. Deux bajoues couperosées pendaient autour d'une bouche spirituelle et gourmande que prolongeait un menton qui avait été fort, mais qui se perdait maintenant dans une triple épaisseur de chairs.
    — Voyez que je demeure dévot à mes habitudes, faute de l'être d'une autre manière, reprit M. de Noblecourt. Je m'abandonne à l'âge qui vient, sans trop de surprises, sans trop de secousses... Bientôt, je ne bougerai plus de ce fauteuil. Je m'en ferai faire un autre, un antique, avec des oreillettes et une tablette et, pourquoi pas, des roulettes. Il ne restera plus qu'à le percer pour que je n'en sorte plus ! La maréchalede Luxembourg avait bien fait monter sa chaise à porteurs dans son salon pour se protéger des vents coulis, une année où l'hiver était fort rude. Je ne bougerai plus, et un matin le fantôme de Marion — qui, notez-le, est beaucoup plus vieille que moi — me trouvera le nez dans mon chocolat.
    Nicolas connaissait son vieil ami. Tout cela n'était que provocation ; il attendait des protestations et, ne seraient-elles pas venues, qu'il aurait poursuivi pour les susciter.
    — Je vous trouve le ton fort inspiré pour un futur podagre, monsieur, répondit-il. Votre tasse n'a rien à craindre. Vous voilà, derechef imitant votre ami, M. de Voltaire — votre contemporain, sauf erreur — qui annonce, depuis un quart de siècle, qu'il ne passera pas l'année et que l'armée coalisée de ses maux va incontinent le retirer à l'admiration de l'Europe et à la vénération de ses amis. Vous êtes du bois dont on fait les centenaires. Et j'ajouterai que vous vous devez à vos amis plus jeunes. A qui parleront-ils, si vous leur faites défaut ? Il n'y a pas tant d'honnêtes hommes que l'on puisse se satisfaire de les voir disparaître.
    M. de Noblecourt, ravi, se mit à applaudir et Cyrus à manifester son approbation en aboyant.
    — Soit, monsieur, je m'incline. Vous connaissez votre monde et savez faire votre cour. Il est dans l'ordre des choses qu'un jour l'étudiant en remontre au maître. Mais je suis un vieux bavard. Nicolas, vous me devez quelques explications sur votre soudaine disparition.
    D'une main encore potelée, il caressait le barbet qui, calmé, s'était retourné et présentait, pattes écartées, un ventre rose.
    — Monsieur, la mort de mon tuteur m'avaitappelé en Bretagne. Après lui avoir rendu les derniers devoirs, je suis revenu à Paris où j'ai trouvé une situation difficile. Vous avez sans doute appris que le commissaire Lardin a disparu. M. de Sartine m'a chargé de l'enquête.
    Le visage plein de bonasse de l'ancien procureur, qui avait tout d'abord exprimé toute la part qu'il prenait au deuil de Nicolas, changea soudain. Les yeux s'ouvrirent et la bouche s'arrondit ; la surprise le disputait à l'incrédulité d'apprendre que son élève s'était poussé si vite dans cette carrière.
    — Quelle nouvelle ! Le représentant de M. de

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