L'envol du faucon
Je vais... »
Il y eut un coup insistant à la porte.
« Oui ? dit Phaulkon.
— Puissant Seigneur, répondit en siamois une voix respectueuse, vous m'avez demandé de vous informer s'il se produisait quelque chose d'inhabituel. Je pense que Votre Excellence devrait monter sur le pont.
— Entrez, Vitoon. Emmenez le seigneur White dans la cale et laissez-le contempler son trésor. Faites doubler la garde.
— Puissant Seigneur, je reçois vos ordres. »
Sans un regard à White, Phaulkon se dépêcha de grimper sur le pont.
Une yole se dirigeait vers le Curtana. Phaulkon se protégea les yeux du soleil de fin d'après-midi pour regarder en direction de la mer. Deux navires étaient mouillés au large. Ils étaient trop éloignés pour qu'il pût voir leur pavillon, mais ils ressemblaient à des bâtiments de guerre anglais. Il tourna le regard vers le port. Les innombrables pirogues indigènes continuaient à faire le guet, tout en gardant prudemment leurs distances.
La yole se rangea le long du Curtana. Il y avait cinq hommes à son bord. L'un d'eux se leva et parla avec l'officier de quart. Le nouveau venu portait un uniforme d'officier de la marine britannique, les autres étaient des rameurs. Il y eut un bref échange ; l'officier de quart salua et s'éloigna d'un pas décidé. Quelques minutes plus tard, un officier supérieur apparut sur le pont en boitant fortement. Sans doute le capitaine Weltden, songea Phaulkon. Il descendit lentement dans la yole qui regagna le large.
Quelques instants plus tard, le Curtana mettait à la mer une petite embarcation qui se dirigea vers le Résolution. Phaulkon s'abrita derrière le grand mât et ordonna aux deux marins anglais de Jamieson de l'accueillir. Ce n'était un secret pour personne que la majorité de l'équipage du Résolution était anglaise, et Phaulkon ne voulait pas éveiller les soupçons du Curtana en laissant voir à un membre quelconque de son équipage qu'il y avait tant de Siamois à bord. Deux des gardes de Phaulkon se tenaient dans l'ombre avec lui, le mousquet braqué sur les hommes de Jamieson pour s'assurer de leur coopération.
La petite embarcation accosta. Un des hommes se leva et salua les deux matelots anglais. Puis il leur tendit un morceau de papier. Les rameurs s'enquirent de la santé de White et repartirent après avoir échangé quelques plaisanteries.
On apporta le message à Phaulkon. Plié à la hâte, il était adressé au seigneur White dont le nom avait été griffonné. Phaulkon l'ouvrit et lut le message suivant : « Le gouverneur Yale est arrivé. Ne vous inquiétez pas, notre accord tient toujours. Attendez mon retour. » C'était signé Anthony Weltden.
Phaulkon relut attentivement le mot. Il se demanda à quel accord Weltden faisait allusion et pourquoi White ne devait pas s'inquiéter. On avait l'impression que l'arrivée de Yale pourrait menacer quelque plan concocté par les deux hommes. Et pourquoi Yale était-il arrivé avec deux bâtiments de guerre ? Avec le Curtana, cela faisait désormais trois navires armés de la Compagnie dans les eaux de Mergui. Mauvais signe. Les intentions de Yale ne pouvaient guère être amicales. En ce qui concernait Weltden, son allié commandait toujours le Résolution. Dieu seul savait quelles décisions hâtives il pourrait prendre en conséquence.
Plus Phaulkon réfléchissait à la question, plus il en concluait qu'il ne pouvait se permettre d'attendre que Yale passât à l'action le premier.
Il ordonna que l'on mît à la mer une des yoles du Résolution.
Al
« Ohé ! Du bateau ! » La voix de la vigie de la Perle héla la yole qui se dirigeait vers l'immense navire de guerre. Phaulkon dénombra quarante-huit sabords.
Pas loin sous le vent, se trouvait l'autre bâtiment de guerre anglais. Phaulkon pouvait juste en distinguer le nom : YEperx'ier.
« Constantin Phaulkon, Barcalon de Siam. Je suis venu voir le gouverneur Yale. »
Il y eut un silence. Puis, tout à coup, le pont de la Perle s'anima. Une douzaine d'hommes d'équipage convergèrent vers le bastingage pour contempler l'embarcation qui transportait la figure légendaire du Barcalon. L'officier de quart courut informer le gouverneur. Il y eut un brouhaha d'excitation à mesure que les matelots accouraient plus nombreux pour voir le spectacle. Pouvait-il s'agir réellement du Grand Barcalon, dans une simple yole, avec seulement deux rameurs prosternés ?
Un certain temps s'écoula avant qu'une silhouette
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