L'envol du faucon
Weltden pour l'empêcher de passer à l'attaque. J'ai même dit que je coopérerais avec lui. Il le fallait pour gagner du temps, jusqu'à ce que j'aie renforcé les fortifications de la ville. Mais avant que j'aie pu l'en empêcher, ce cinglé a ordonné que le Curtana tire des salves de canon pour fêter notre contrat. Les... les indigènes ont dû croire que...
— Que vous fêtiez votre victoire à l'avance ?
— Eh bien ! Oui. Après les salves, je suis vite retourné à terre pour réunir le conseil. Je voulais expliquer ce qui s'était passé. Mais... deux des membres étaient absents et j'ai dû laisser des messages les convoquant chez moi à la première heure. C'était ce matin. » White eut un rictus d'amertume. « Mais... c'était déjà trop tard.
— Vous savez où se trouve Selim ? demanda soudain Phaulkon.
— Selim Yussuf ? Le frère de Hassan ? » White se renfrogna. « Un sale type. Je le faisais surveiller à Tenasserim.
— C'était le meneur. Il faut le trouver et l'arrêter.
— Le meneur ? Je savais qu'on ne pouvait pas lui faire confiance, mais j'étais tellement occupé à mani-puler Weltden que je n'ai pas eu le temps d'examiner personnellement ses activités. J'ai dû laisser cette tâche à mes hommes. »
White commençait à désespérer. Que savait Phaulkon ? Que faisait-il à bord de ce vaisseau ? White était malade à l'idée du trésor qui dormait dans la cale. Qu'est-ce qui avait amené Phaulkon à Mergui ? Quelque chose que Davenport avait dit à Ivatt ? Où diable se trouvait Jamieson ? Un millier de questions l'assaillaient, mais il était obligé de se prêter au jeu de Phaulkon. Il fallait toujours que Phaulkon jouât avec sa victime, comme un chat avec une souris. Pourquoi ne pouvait-il pas dire ce qu'il avait à dire et en finir ?
Phaulkon observait le visage agité de White. Il ressemblait à une bête acculée qui s'interroge sur les intentions de son bourreau. C'était un menteur invétéré. Confronté aux preuves, Sam White essaierait de les tourner à son avantage. Même dans son état de faiblesse actuel, il était capable d'inventer indéfiniment des histoires. Phaulkon n'avait pas le temps de les écouter.
« Jamieson m'a tout raconté au sujet de sa mission, commença-t-il froidement, mais je préférerais apprendre les faits de votre bouche. Où est le Sancta Cruz ?
— Le Sancta Cruz ? » White, mal à l'aise, détourna les yeux. « J'aimerais bien le savoir, Constant. Il y a eu pas mal de rumeurs. Et aussi quelques accusations. Mais, honnêtement, je n'ai pas eu le temps d'enquêter. La sécurité de Mergui a été mon unique préoccupation. Vous n'avez pas idée de ce que ça a pu être ! Ce Weltden est plutôt instable. Tantôt il veut raser Mergui, tantôt il me demande de coopérer à la prise de la ville. Ça a été une guerre des nerfs constante. Où se trouve Jamieson ?
— En sécurité, ne vous inquiétez pas. Il m'a dit que vous lui aviez ordonné d'envoyer le navire par le fond. »
White était devenu très pâle. « Il a raconté ça ? » Il hocha la tête, incrédule. « La dernière fois que j'en ai entendu parler, il était parti pour Atjeh. C'est... c'est ce que disait la rumeur en tout cas. » Il parut fouiller dans ses souvenirs. « On racontait même que Jamieson s'en était emparé et l'avait emmené là-bas. Mais j'ai du mal à y croire. Seul Coates serait assez fou pour faire une chose pareille. Voyez-vous, Constant, il s'est passé tant d'incidents à Mergui ces derniers jours que... »
Phaulkon lui coupa la parole.
« Une partie du butin du Sancta Cruz se trouve en bas dans les cales. Je l'ai vu moi-même. »
White s'était préparé à cette remarque. « Le trésor qui se trouve à bord de ce vaisseau, Constant, provient de La Nouvelle-Jérusalem et non du Sancta Cruz. Je m'apprêtais à le rapporter à Madras, quand l'arrivée du Curtana m'a forcé à repousser mes plans.
— La Nouvelle-Jérusalem transportait des rubis, Samuel, pas de l'or. Les inscriptions sur les caisses contenant les lingots d'or ont été effacées, mais l'or porte encore le sceau d'Atjeh. »
White écarquilla les yeux en regardant Phaulkon. « Atjeh ? C'est extraordinaire ! A moins bien sûr qu'une partie du trésor de La Nouvelle-Jérusalem ne vienne de là. Je n'ai jamais vérifié. »
Phaulkon le regarda comme s'il avait affaire à un enfant qui n'en fait qu'à sa tête. « Vous aurez tout le temps d'éclaircir le mystère, Samuel.
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