L'épopée d'amour
et des Deux-Ecus, Sous Charles IX, la rue des Deux-Ecus portait en partie le nom de la rue de la Hache. La ruelle Traversine donnait dans la rue de la Hache.
C’est sur ce vaste emplacement de l’ancien hôtel de Soissons et de l’ancien hôtel de Nesles que Catherine de Médicis avait fait bâtir une façon de palais, en même temps qu’elle s’occupait de faire construire un palais plus vaste, plus grandiose, plus royal, sur l’emplacement de l’ancienne Tuilerie où nous avons eu occasion de conduire nos lecteurs, dans un précédent ouvrage.
Catherine de Médicis avait l’amour de la propriété. La possession de la terre était un plaisir pour cet esprit actif qui s’ingéniait à combiner des plans de bâtisse.
Catherine, donc, avait acheté les vastes jardins et les terrains vagues demeurés en friche autour de l’hôtel de Soissons en ruine. Elle avait fait jeter bas les pierres branlantes ; des régiments de maçons s’étaient employés à faire sortir de terre comme sous le coup de baguette d’une fée un hôtel jeune, brillant, d’une élégante magnificence, et une armée de jardiniers avait, autour de l’Hôtel de la Reine, fait jaillir les plantes, les arbustes et les fleurs.
Dans ces jardins, Catherine, qui toute sa vie regretta l’Italie, avait fait transplanter à grands frais des orangers, des citronniers, des fleurs aux violents parfums qu’on ne trouve que sous les brûlants soleils de la Lombardie et du Piémont.
Elle aimait toutes les voluptés, toutes les ivresses, tous les parfums, le sang et les fleurs.
Et c’est au bout de ces jardins, dans l’angle d’une sorte de cour qu s’avançait dans la direction du Louvre, que, sur les ordres et les plans de Catherine, s’était élevée la colonne d’ordre dorique encore debout – dernier vestige de tout cet harmonieux ensemble de constructions.
Cette colonne, espèce de tourelle sur laquelle on peut lire l’inévitable inscription dont les sociétés archéologiques, de complicité avec l’Etat, souillent les débris de l’histoire humaine, cette tour, disons-nous, avait été spécialement construite pour l’astrologue de la reine.
C’est vers cette tour que se dirigeaient les deux ombres que nous venons de signaler. Ombres… car Rugierri et Catherine – c’étaient eux – s’avançaient en silence, vêtus de noir tous deux, et n’eussent apparu aux yeux d’un curieux que comme des fantômes, si les gardes qui veillaient à toutes les portes eussent laissé pénétrer ce curieux.
Catherine de Médicis et Ruggieri s’arrêtèrent au pied de la colonne.
L’astrologue tira une clef de son pourpoint, et ouvrit une porte basse.
Ils entrèrent et se trouvèrent alors au pied de l’escalier qui montait en spirale jusqu’à la plateforme de la tour.
Là, c’était un cabinet ou plutôt un étroit réduit où Ruggieri rangeait ses instruments de travail, lunettes, compas, etc. Pour tout meuble, il n’y avait qu’une table chargée de livres et deux fauteuils.
Une étroite meurtrière donnant sur la rue de la Hache laissait pénétrer l’air dans ce réduit.
C’est par cette meurtrière que la vieille Laura, espionne d’une espionne, communiquait avec Ruggieri.
C’est par cette meurtrière qu’Alice de Lux jetait les rapports qu’elle voulait faire parvenir à la reine.
Or, ce jour-là, Catherine avait reçu de Laura un billet contenant ces quelques mots :
« Ce soir, vers dix heures, elle recevra une visite importante dont je rendrai compte demain. »
– Votre Majesté désire-t-elle que j’allume un flambeau ? demanda Ruggieri au moment où il referma derrière lui la porte de la tour.
Au lieu de lui répondre, Catherine saisit vivement la main de l’astrologue et la pressa comme pour lui recommander le silence.
En effet, elle venait de percevoir un bruit de pas qui, dans la rue, s’approchait de la tour. Et Catherine de Médicis qui eût été un policier de premier ordre, qui avait effectivement inventé et créé toute une police masculine et féminine, se disait d’instinct que ces pas étaient sans doute ceux de la personne qui devait faire à Alice de Lux une importante visite.
La reine s’avança vers la meurtrière et chercha à voir ce qui se passait.
Et comme les ténèbres étaient profondes, comme elle ne voyait rien, elle se plaça de façon à entendre, et à concentrer dans son ouïe les forces vitales inutiles à ses yeux : l’oreille, pour celui qui espionne,
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