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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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venir sans pouvoir faire un pas.
    Catherine s’apprêta à écouter.
    Mais Jeanne d’Albret, s’étant approchée du comte de Marillac, lui dit simplement :
    – Venez, mon cher fils, nous avons à causer sans retard…
    Et tous deux s’éloignèrent alors…
    Lorsqu’ils eurent disparu, Catherine de Médicis murmura :
    – Maintenant, tu peux allumer ton flambeau.
    L’astrologue obéit. Et il apparut alors livide, quoique sa main n’eût pas un tremblement et que son regard fût calme. Catherine l’ayant considéré attentivement eut un haussement d’épaules et dit :
    – Tu as pensé que j’allais le tuer ?
    – Oui, dit l’astrologue avec une effrayante netteté.
    – Et cela t’a fait peur ?
    – J’ai eu peur, en effet, madame.
    – Ne t’ai-je pas dit que je ne voulais pas sa mort ? Qu’il peut m’être utile ? Tu vois que je ne songe pas à le frapper, puisqu’il vit encore après ce que nous venons d’entendre… As-tu entendu, toi ? Quant à moi, ses paroles résonnent encore à mes oreilles, René, il sait que je suis sa mère !
    L’astrologue garda le silence.
    – Jusqu’ici, j’ai voulu douter ! Maintenant, c’est fini. Lui-même a parlé. Il sait, René !…
    Pour tout autre que Ruggieri, ces paroles de Catherine n’eussent porté l’accent d’aucune émotion. Mais l’astrologue la connaissait. Et la voix de sa terrible amante lui apparut si formidable qu’il tint les yeux baissés, n’osant regarder celle qui, en apparence, lui parlait si paisiblement.
    Sombre, la bouche contractée, les yeux fixés dans la nuit vers le point où le comte avait disparu, la reine reprit :
    – Tu vois donc que tu peux te rassurer, mon bon René, ton affection paternelle ne sera soumise à aucune épreuve.
    Ruggieri frissonna et la pâleur qui couvrait son visage parut plus livide encore.
    – Tu es rassuré, n’est-ce pas ?
    – Non, madame ! répondit sourdement l’astrologue ; car je sais que mon fils va mourir et que rien au monde ne peut le sauver. Rien, madame, pas même ma volonté paternelle, pas même la pitié qui pourrait se glisser dans votre cœur.
    Catherine, étonnée, jeta un furtif regard sur l’astrologue.
    – Expliquez-moi cela ! fit-elle en s’asseyant dans un fauteuil et en se mettant à jouer avec la chaîne d’or qui portait son poignard.
    Ruggieri se redressa. Son visage ne manquait ni de beauté, ni même d’une certaine majesté naturelle. Ruggieri était loin d’être un charlatan. Nature complexe, faible au point d’accepter sans révolte les plus effroyables besognes, implacable dans l’exécution des crimes que seul il n’eût jamais osé concevoir, pitoyable quand il était livré à lui-même, terrible quand il redevenait l’instrument de la reine, il eût sans doute passé sa vie en études et fût devenu un paisible savant s’il ne s’était trouvé sur le chemin de cette femme qu’on peut haïr pour le mal qu’elle a fait, mais à qui nous devons reconnaître une exceptionnelle force de caractère.
    Dans l’antiquité, Catherine eût été Locuste ou peut-être Phryné.
    Ruggieri eût peut-être été Empédocle [2]
    [3]
    [4] .
    Son esprit tourmenté aimait à se hausser et à se perdre aux vastes rêveries. Astrologue, il cherchait dans le ciel ce même absolu que, chimiste, il cherchait parmi les poisons.
    L’art de la divination par les astres n’était pour lui qu’un art intermédiaire : il cherchait plus haut et plus loin. Connaître l’avenir, se disait-il, c’est le diriger ! Quelle redoutable puissance armera l’homme qui parviendra à savoir aujourd’hui ce que demain doit être ! Et que devient cette puissance si cet homme peut faire de l’or à sa guise ? Tout ne se tient-il pas dans la création ? Et qu’est-ce que Dieu, sinon celui qui peut soulever les voiles du temps et arracher à la nature son dernier secret ?
    Ruggieri croyait donc fermement.
    Sans cesse déçu dans ses calculs, souvent, lorsqu’il avait passé des nuits à chiffrer la déclinaison et la conjonction des astres, il laissait tomber sa plume avec découragement. Mais bientôt une force nouvelle le poussait, et avec une froide fureur, il s’enfonçait dans la solution de l’insoluble.
    Quoi d’étonnant, dès lors, que ce cerveau fatigué ait été hanté de visions ?
    – Madame, dit-il, vous voulez savoir pourquoi mon fils va mourir et pourquoi rien ne peut le sauver. Je vais vous le dire. Lorsque j’ai reconnu mon fils dans

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