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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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vertige.
    – Imbécile ! gronda-t-il. Trois mille écus d’or ! à toi ? Tu es ivre, je pense !
    – Monseigneur… l’a dit !… Hé là ! mon oncle !… Payez… ou je me plains… au maréchal…
    – Payer !… rugit le vieillard… Et si je ne veux pas, moi !… Misérable, tu veux donc me ruiner !… Laisse-les moi, Gillot, mon bon Gillot… Voyons… tu as bien assez de ces mille écus d’argent…
    – Bon, bon ! grommela Gillot en essayant vainement de se lever, nous allons voir… ce que monseigneur…
    – Prends garde, Gillot, ricana l’oncle.
    – Ah !… quel drôle de rire… vous avez… j’ai peur…
    Gilles riait de son effroyable rire. Il était livide. La pensée d’avoir à livrer trois mille écus d’or l’affolait. Et la pensée que Gillot pourrait le dénoncer au maréchal, s’il ne s’exécutait pas, lui paraissait non moins effrayante.
    – Ecoute, Gillot, dit-il tout à coup, veux-tu me donner de bon cœur cet argent dont tu ne saurais que faire ?
    – Fou ! bégaya Gillot, mon pauvre oncle est devenu fou… ah ! mais, c’est fameux cela ! Je vais hériter… hériter du grand coffre ! Je…
    Gillot ne put achever. Le vieillard s’était précipité sur lui et, d’un tour de main, l’avait bâillonné. Puis, saisissant une corde que sans doute il avait préparée d’avance, il le lia sur son fauteuil.
    Cela s’était fait si vite que Gillot, soudain dégrisé par l’épouvante, se vit dans l’impossibilité de faire un mouvement en même temps qu’il voulut essayer de se défendre. Il ouvrait des yeux terribles, emplis de cette horreur qu’il avait déjà éprouvée dans la cave lorsque l’oncle l’avait attaché au poteau.
    Quant au vieillard, il marmottait des mots sans suite, allant et venant comme un lutin, plaçant dans une armoire les écus que Gillot avait jetés sur la table, sauf un petit tas. Quand cette opération fut terminée, quand il eut refermé l’armoire, Gilles se retourna vers son neveu et le débâillonna.
    Gillot en profita pour se mettre à hurler ; Gilles attendit patiemment. Quand son neveu eut compris que ses lamentations étaient inutiles, quand il se tut, Gilles lui dit paisiblement :
    – Te voilà enfin raisonnable. Tiens, tu vois ce tas ? C’est ta part : cinquante écus. Le reste est pour moi. Ce n’est pas moi le fou, c’est toi. Ce n’est pas toi qui hérites, c’est moi. Tu vois comme c’est simple.
    Le vieillard sourit et se versa un verre de vin qu’il but lentement.
    – Avec ces cinquante écus, tu t’en iras chercher fortune ailleurs, et tâche que je ne t’y reprenne plus, ou sans ça, cette fois, plus de pitié : je t’occis.
    La résolution de Gillot fut vite prise. Il simula la plus grande résignation :
    – Puisque vous le voulez ainsi, mon bon oncle… je m’en irai… je me contenterai de ces cinquante pauvres écus.
    – Et où iras-tu ? demanda le vieillard dont le rire terrible retentit à nouveau.
    – Je ne sais pas… je quitterai Paris…
    – Oui, j’y compte. Mais avant de quitter Paris, tu iras bien un peu me dénoncer au maréchal, hein ?… Si fait ! Je te connais. Tu es presque aussi avare que moi. Tu risquerais mon coup de dague dans l’espoir de reprendre les fameux trois mille écus… Trois mille écus d’or !… A toi !… Imbécile, va… Or, je ne veux pas que tu parles, tu entends bien ?
    – Je me tairai, mon oncle, je vous le jure !
    – Oui, mais moi, je veux en être sûr. Et pour cela, je vais te couper la langue !
    Gilles éclata de son rire démoniaque et ajouta :
    – C’est toi qui m’en as donné l’idée. Comme tu m’avais déjà donné l’idée de te couper les oreilles. Bonnes idées, mon garçon, fameuses idées !
    Quant à Gillot, son épouvante et son horreur furent telles qu’il renversa la tête, exhala un soupir d’angoisse, et s’évanouit.
    Gilles, paisible et rapide, se mit à affûter un coutelas de cuisine.
    Puis saisissant une forte tenaille dans un tiroir, il s’approcha de l’infortuné.
    Mais alors, il s’aperçut qu’il était plus difficile d’arracher une langue que de couper des oreilles. Il demeura un instant perplexe, sa tenaille d’une main, son coutelas de l’autre.
    – Bah ! grommela-t-il, j’en viendrai bien à bout… Ce pauvre Gillot, tout de même ! Je le regretterai quand il ne sera plus là… j’aurais fini par le dépecer morceau par morceau.
    Il se mit à pouffer en se figurant la tête

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