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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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évanouie, puis, rien…
    La voix de Ruggieri était tombée au plus bas pendant ces derniers mots, et n’était plus qu’un murmure indistinct.
    Lorsqu’il se tut, il continua de fixer dans l’espace ses yeux hagards.
    En proie à une sourde terreur, Catherine se leva comme pour fuir, pour échapper à cette sensation du vertige qui s’emparait d’elle.
    Mais le seul mouvement qu’elle fit pour se lever rompit le charme.
    Elle se secoua comme pour se décharger de l’inutile fardeau des terreurs vaines ; ses yeux pleins de défi dardèrent leur regard d’une étrange clarté sur le point que fixait l’astrologue. Ses nerfs se tendirent. Son visage, dans cet instant rare où elle consentit à être elle-même, prit une expression d’audace et de cruauté formidable.
    Elle apparut comme la descendante des vieilles races d’aventuriers, comme un condottiere à qui la nature eût donné par erreur le sexe féminin. Son front se chargea de volonté. Son buste alourdi par l’âge parut prendre une sveltesse de lutteur.
    – Mon mari, gronda-t-elle entre ses dents, jurait que je sentais la mort ! Soit ! Par le corps du Christ ! il me plaît de sentir la mort ! Il me plaît d’être celle qui passe en laissant un sillage de cadavres, puisque, pour dominer, il faut frapper ! Visions, ombres, fantômes, démons, anges, je ne vous crains pas : je suis des vôtres, moi !… Puissances invisibles qui venez de me prévenir, je vous remercie ! Marillac doit mourir : qu’il meure ! Charles doit mourir, lui aussi : qu’il meure !… Anges et démons, vous m’aiderez à placer sur le trône le fils de mon cœur, mon bien-aimé Henri…
    Catherine esquissa un rapide signe de croix, et toucha l’astrologue au front, du bout de son doigt glacé.
    Ruggieri fut secoué d’un tressaillement. Ses yeux convulsés reprirent lentement leur position normale, il passa les deux mains sur son front.
    – René, dit-elle, tu vois bien que le ciel lui-même condamne cet homme…
    – Notre fils…
    – Eh bien, laissons sa destinée s’accomplir ; ne nous mêlons pas de discuter les arrêts prononcés par les puissances ; il sait que je suis sa mère et c’est pour cela qu’on le condamne.
    Catherine disait on parce qu’elle ne savait pas au juste si elle devait dire Dieu ou Satan.
    – On le condamne alors que je rêvais pour lui un avenir royal. N’en parlons plus, René… Mais l’autre !… Cette femme qui sait aussi ! tu viens d’entendre : Jeanne d’Albret connaît ce secret… Et celle-là, René, c’est moi qui la condamne ! Je la tiens. L’insensée s’est prise à la toile que patiemment j’ai tissée… Viens, René, viens. Je veux t’expliquer toute ma pensée. Je rêve de nettoyer d’un seul coup le royaume que je destine à mon fils. Je rêve de rétablir l’autorité de Rome pour consolider l’autorité de mon Henri. J’ai sondé Coligny ; j’ai sondé le Béarnais, j’ai étudié tous ces seigneurs qui encombrent la cour et la ville de leur morgue. René, je te le dis, tous, depuis leur reine jusqu’au dernier gentilhomme, tous ont le germe de la révolte. Ce n’est pas seulement contre l’Eglise qu’ils s’élèvent comme une menaçante barrière ; l’autorité royale de France leur pèse ; là-bas, dans leurs montagnes, ils ont pris des habitudes d’indépendance, et plus d’un se dit huguenot qui est tout bonnement révolté. René, si je ne détruis pas la réforme, c’est la monarchie elle-même qui sera quelque jour réformée. Commençons donc par frapper à la tête. Jeanne d’Albret, c’est la tête du protestantisme. Jeanne d’Albret connaît mon secret. En la supprimant, je me sauve et je sauve l’Eglise et l’Etat. Viens, René, viens, mon ami. Ta douleur paternelle trouvera quelque consolation à préparer la mort de cette femme. Et puisqu’elle se prétend la mère de Marillac, puisqu’elle l’a appelé son fils, il est juste que la mort ne les sépare pas.
    Ayant ainsi parlé, Catherine de Médicis entraîna Ruggieri hors de la tour.
    – Ne devions-nous pas examiner les astres ? fit celui-ci.
    – Cet examen devient inutile. Je sais ce que je voulais savoir.
    Ils traversèrent de biais la partie des jardins où ils se trouvaient et parvinrent à un petit bâtiment d’allure élégante, placé à une centaine de pas de la tour. Il se composait d’un rez-de-chaussée et d’un premier étage. Catherine l’avait fait construire pour servir de

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