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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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favoris, Nysus et Euryalus étaient couchés à ses pieds et dormaient d’un sommeil inquiet, levant parfois la tête et dressant les oreilles, puis se rendormaient en voyant leur maître immobile et les yeux fermés. Charles IX ne dormait pas. Il attendait.
    Au premier coup de tocsin, il eut comme un long frisson et ses yeux s’ouvrirent tout grands ; mais il ne bougea pas.
    Le bourdon de Saint-Germain-l’Auxerrois se mit alors à gronder et à mugir comme une bête fauve encagée bondit à tort et à travers. Ainsi, les grands coups de gueule du bronze semblaient bondir par les airs, irréguliers, fous, tantôt lents et graves, tantôt précipités et sauvages.
    Nysus et Euryalus, debout soudain, firent entendre un long grognement de colère et de peur. Charles IX les appela ; ils sautèrent sur le fauteuil. Chacun d’un côté ; il saisit leurs deux têtes fines et soyeuses, les pressa contre sa poitrine pour sentir quelque chose de vivant et d’ami.
    Toutes les cloches de Paris, tous les tocsins s’étaient mis à répondre au tocsin enragé de Ruggieri.
    Cela faisait un bourdonnement énorme, comme s’il y eût eu dans les airs une bataille géante entre des armées de dogues ailés. Toutes ces gueules s’appelaient, se répondaient, s’excitaient, s’injuriaient. Les unes glapissaient, fêlées, rageuses ; les autres grondaient, furieuses, tonitruantes. Toutes donnaient de la voix, rauques, enfiévrées, épileptiques, et toutes aboyaient à la mort.
    Le roi, immobile au fond de son fauteuil, les yeux exorbités, le visage couleur de cendre, écoutait éperdument. D’abord, il espéra que les cloches se tairaient bientôt. Mais non, les rafales de hurlements passaient et repassaient sur le Louvre ; les cloches ne voulaient plus se taire ; lorsqu’elles semblaient s’apaiser à l’orient, elles mugissaient avec plus de violence à l’occident ; quand une s’enrouait, une autre hurlait plus fort, comme pour l’invectiver ; pas d’arrêt ; plus de silence ; il semblait que tous les clochers de Paris dussent s’écrouler dans l’infernale rumeur ; était-ce la fin du monde ? Etait-ce le cataclysme suprême qui engloutirait Paris, la France et la terre ?
    Le roi, lentement, se souleva, se mit debout. Il courut enfoncer sa tête sous les oreillers du lit ; mais le hurlement était plus fort ; les vitraux tremblaient ; les flambeaux grelottaient ; les meubles trépidaient… Alors il se redressa, leva la tête, voulut braver les hurlements ; sa bouche crispée laissa échapper des malédictions sourdes ; puis il cria plus fort ; puis il se mit à vociférer, il hurla à l’unisson des cloches, et ses deux chiens ; hurlèrent. Le roi vociférait :
    – Gueuses ! vous tairez-vous ! Assez ! Assez ! Gueuses ! Cloches d’enfer ! Je veux qu’on les fasse taire ! Oh ! les cloches ! Elles crient plus fort ! Je ne veux pas ! Ne tuez pas ! Oh ! ne plus entendre ! Où me mettre ? Où fuir ?…
    Où fuir ? Plus féroce, plus lugubre, l’immense et tragique hurlement répercutait les échos prolongés de ses clameurs. L’affreuse tempête des tocsins déployait sur Paris des rafales plus violentes. Ah ! non, elles ne se tairaient pas, les cloches ! Pendant quatre jours et quatre nuits, elles devaient ainsi rugir sans arrêt. Et il semblait maintenant à Charles que ce n’étaient pas seulement les cloches de Paris qui se trémoussaient dans la prodigieuse danse macabre des hululements. Toutes les cloches de France étaient en branle. Il les entendait toutes. Orléans, Angers, Tours, Bordeaux, Lyon, Avignon, Marseille, Reims, Rennes, Soissons, Dijon, Tarbes, Angoulême, Rosen, le nord, le midi, l’orient, le couchant, tout grondait, tout hurlait !
    Charles courut à la fenêtre, arracha le rideau, souleva un châssis.
    Il recula en claquant des dents.
    Le jour venait. Le matin de ce dimanche se levait. Mais malgré le jour, les torches continuaient à courir.
    Des gens, avec de longs cris d’horreur, fuyaient. D’autres, rouges de sang, les poursuivaient.
    Ce fut une vision rapide, effrayante. Charles recula jusqu’au milieu de la chambre. Sa main, sous son pourpoint, laboura sa poitrine. Il bégaya :
    – Qu’ai-je fait ?… Qu’ai-je dit ? Quoi ! c’est par mon ordre que cela se fait !… Oh ! je ne veux pas voir… je ne veux pas entendre !… Où fuir ? Où fuir ?…
    Où fuir ?… Il ouvrit la porte de sa chambre, se glissa, pareil à un

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