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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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fantôme, le long d’un couloir, et entra dans une galerie. Et ses cheveux se hérissèrent.
    Cinq ou six cadavres lui apparurent, les uns sur le nez, tout ramassés, les autres sur le dos, les bras en croix. Dans un angle de la galerie, un jeune homme se défendait contre une douzaine de catholiques. Il tomba tout à coup. C’était Clermont de Piles. Au centre de la galerie, deux femmes à genoux levaient les mains ; elles tombèrent, la gorge ouverte de coups de poignards. Et là, les hurlements des hommes retentissaient, plus féroces que ceux des cloches. A chaque coup de poignard jaillissait une insulte ignoble. En cette seconde inouïe, Charles crut voir l’enfer s’ouvrir : il recula. Il n’entra pas dans la galerie et il bégaya :
    – C’est moi ! C’est moi qui tue ces femmes ! C’est moi qui assassine ces hommes ! Oh ! qu’est-ce donc qui crie en moi ? Grâce ! Pitié !… Oh ! ne plus entendre ces cris dans ma tête, dans ma poitrine ! Grâce ! Pitié !… Assez ! Je veux qu’on se taise ! Où fuir ?…
    Où fuir ?… Il se sauva loin de l’abominable galerie et voulut descendre un escalier… mais là, au tournant, sur le palier, une quinzaine de cadavres entassés, les poings crispés, les yeux convulsés !… Il remonta, chercha un autre couloir… Là, des coups d’arquebuse éclataient et des coups de pistolet, et des insultes inécrivables…
    Tout le long du couloir, des cadavres ! Dans la fumée âcre, Charles eut la vision d’une quinzaine de forcenés sanglants, courant, vociférant : Arrête ! Taïaut ! Taïaut !… L’homme poursuivi trébucha, tomba, et l’instant d’après, son corps ne fut qu’une plaie rouge. Les démons disparurent, coururent au bout du couloir où deux huguenots, presque nus, essayaient de fuir. La bande disparut… le couloir était libre… Charles s’avança et arriva au cadavre de l’homme qu’on venait de tuer… C’était le baron de Pont qui, la veille, lui avait gagné une partie à la paume… Charles fit un effort, bondit comme pour traverser une large fosse, et franchit ainsi le cadavre… Mais il demeura pétrifié : ses deux pieds venaient de se poser dans une flaque de sang ; et il rugit :
    – Oh ! ces cris dans ma tête ! Qu’on sonne donc les cloches plus fort, mort-dieu ! Ces coups d’arquebuse ne font pas de bruit ! Plus fort ! Plus fort, vous dis-je ! Je ne veux plus entendre ces cris dans ma tête ! Qui donc crie ainsi dans ma tête ? Qui donc crie grâce ? Qui donc crie pitié ?… A moi ! Fuyons !… Où fuir ? Où fuir ?…
    Où fuir ? Il se mit à courir, enjamba des cadavres d’hommes à peine vêtus, des cadavres de femmes entièrement nus, des cadavres tordus, avec des bouches convulsées par la dernière malédiction, des yeux terribles, des yeux suppliants, des yeux emplis d’ineffables étonnements… des cadavres, encore des cadavres…
    Où fuir ?… Il se heurtait à des bandes qui passaient dans des courses effrénées… un instant, il entrevoyait l’homme poursuivi qui bondissait, puis il entendait un coup, un rauque grognement de bête qu’on égorge…
    Où fuir ? Grâce ! Pitié ! Ces deux mots, ces deux cris résonnaient dans sa cervelle avec des hurlements prolongés…
    Le Louvre, le Louvre entier n’était plus que fumée, sang, hurlements, plaintes, détonations… Où fuir ?
    Il se frappa le crâne à grands coups. Tous ces cadavres, il les reconnaissait ! Il les nommait au passage ! Maintenant, il marchait dans le sang et n’y faisait plus attention. Il piétinait des chairs déchiquetées. Il avait pris sa tête à deux mains et courait, courait, montait, descendait, bousculé par les bandes ruées, sans respect, personne ne le saluant, tous occupés à tuer, il courait, fou, hagard, hébété, et hurlait :
    – Où fuir ? Qui crie dans ma tête ? Qui hurle grâce ? Qui hurle pitié ? Assez ! Assez ! Assez !
    Il rencontra une fenêtre. Il tira le châssis. Sans doute, l’horreur centuplait ses forces : le châssis tomba, brisé, dans la cour. La fenêtre était au premier. Charles, haletant, essaya de respirer. Il se pencha.
    – Grâce ! Pitié ! crièrent des voix.
    – Sire ! Sire ! nous sommes vos hôtes !
    – Sire ! Sire ! nous étions vos amis !
    – Sire ! Sire ! nous avons ri et mangé ensemble !
    – Sire ! Sire ! Grâce ! Pitié !…
    Ils étaient là une vingtaine de gentilshommes huguenots qui tendaient leurs bras

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