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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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des arquebusades…
    Une fois de plus, l’horreur s’empara des deux hommes. Au moment où, haletants, ils s’arrêtaient au coin de la rue Montmartre, passait une sorte de procession féminine, entourée de furieux aux visages convulsés. Ces femmes avaient la croix blanche cousue sur leurs poitrines. Or, spectacle étrange, vision de cauchemar, incroyable et hideusement vraie, ces femmes portaient sur leur dos une hotte, – une hotte de chiffonnier. Et dans chacune de ces hottes, il y avait un ou deux petits enfants égorgés !… C’étaient les petits des huguenots que ces femmes portaient à la Seine !… C’était à pleurer de rage d’appartenir à la même race animale que ces êtres. C’est à défaillir d’horreur et de compassion, mais autour des mégères ricanantes, loups-cerviers, chacals, tigres, hurlaient de joie !
    Les cheveux hérissés, les yeux exorbités, les Pardaillan virent passer ce rêve infernal !… Tout à coup, comme dans les cauchemars de l’agonie, une autre vision apparut… une cavalcade roulante et pesante, trois cents cavaliers, de leur trot dur et lourd, tout bardés de fer, tout rouges de sang, passèrent comme un tonnerre, écartant le peuple à droite et à gauche, parmi des acclamations qui couvraient l’énorme voix des cloches… c’était Guise qui revenait de Montfaucon ! Derrière les cavaliers de Guise, le maréchal de Tavannes avec trois cents autres centaures farouches, terribles, avec des faces monstrueuses ! Derrière le maréchal de Tavannes, un coche ! Un coche, voiture d’invention récente. Et dans ce coche, toute une bande joyeuse, gesticulante ! Et c’était, dans ce coche, c’était le duc d’Anjou, c’étaient ses mignons fardés, peignés, musqués, Maugiron, Quélus, Saint-Mégrin, d’autres, criant bravo à chaque coup d’arquebuse qui abattait un homme, à chaque torche qui mettait le feu à une maison !… Guise, Tavannes, Anjou passèrent parmi des vivats furieux, en jetant à droite et à gauche un hurlement rauque, toujours le même.
    – Soûlez-vous du sang de la bête ! hurlait Guise.
    – Saignez ! saignez ! hurlait Anjou.
    – La saignée est bonne en août comme en mai ! hurlait Tavannes.
    – Tuez ! Tuez ! Tuez ! hurlaient les cloches.
    Alors, derrière l’infernale cavalcade, apparurent douze ou quinze tombereaux traînés par de forts chevaux. Et chacun de ces tombereaux était rempli de cadavres sanglants ! Le sang coulait à travers les planches, le long des roues, et cela faisait derrière ces masses cahotantes un long sillage rouge… Les tombereaux disparurent dans la direction de la Seine, dans un grand remous du peuple en délire, scène épouvantable de l’épouvantable tragédie inscrite dans les siècles des siècles au grand livre des hontes de l’humanité !…
    Dans ce remous, les Pardaillan furent saisis, entraînés… où ?… Ils ne savaient pas ! Ils avaient la tête perdue d’angoisse. Des nausées violentes soulevaient leurs cœurs…
    Et comme ils s’étonnaient vaguement que les carnassiers d’alentour ne se jetassent pas sur eux, soudain, ils virent que chacun d’eux avait un brassard blanc au bras droit…
    C’était Huguette qui, d’une main rapide et légère, sans qu’ils s’en aperçussent, les avait, là-bas, dans la courte scène de l’auberge, marqués du talisman de protection !…
    Le chevalier dégrafa le brassard, d’un geste de colère, il n’était pas huguenot. Etait-il catholique ? En réalité, il ignorait l’une et l’autre religion. Il voulut jeter le brassard : le vieux Pardaillan le saisit au vol, et le mit dans sa poche en disant :
    – Par Pilate, conserve-le au moins comme un souvenir de la bonne Huguette !
    Au fond, il comptait bien décider son fils à remettre le brassard – précieuse sauvegarde – et quant à lui, peu enclin à ces étranges fiertés qu’il trouvait intempestives, il garda le sien sans façon.
    Le chevalier haussa les épaules.
    En enfouissant l’étoffe blanche au fond de sa poche, le vieux routier sentit un papier qu’il froissait.
    – Qu’est cela ? dit-il.
    – Quoi ?
    – Rien… je me rappelle… marchons.
    Ce n’était rien, en effet, ou pas grand-chose, pensait le routier ; au moment où ils avaient quitté la cour de l’hôtel Coligny, Pardaillan père avait aperçu ce papier tombé aux pieds de Berne cloué à la porte, l’épieu en travers de la poitrine. Machinalement, il avait ramassé le

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