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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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avait plus entre la cour d’honneur et les jardins qu’une sorte de passage, une gorge fumante entre les pans de murs qui vacillaient sur leur base et où il semblait impossible de se hasarder.
    Devant la grande porte de l’hôtel, Damville, promptement revenu à lui, contemplait ces ruines avec le désespoir de la vengeance inassouvie. Et pourtant, une flamme de sombre joie jaillissait de ses yeux, lorsqu’il songeait que, sans aucun doute, tous avaient péri dans l’explosion : son frère, les Pardaillan… Jeanne de Piennes aussi ! Sa passion en saignait. Mais mieux encore il aimait Jeanne morte que Jeanne au bras de François.
    Autour de lui, une quinzaine de cavaliers qui venaient d’arriver : c’était Maurevert, escorté de quelques sicaires.
    Dans la rue, dans la ruelle, un peuple énorme.
    Au-delà, Paris grondant et fumant, Paris agonisant, Paris devenu la ville de l’horreur et de l’épouvante.
    Damville, les cavaliers de Maurevert, le peuple, tout ce monde, dans l’instant qui suivit l’explosion, regardait les ruines, non avec cette angoisse que l’on a devant les grandes catastrophes, mais avec cette joie turpide des espoirs monstrueux : que de pauvres créatures humaines achevassent d’agoniser dans cet enfer, cette pensée soulevait une tempête d’acclamations.
    Ces acclamations s’élevant après le bruit de tonnerre de l’explosion devinrent presque aussitôt des hurlements de rage…
    Et voici ce qu’on put voir :
    Au milieu de l’infernal passage, dans les tourbillons de fumée, dans les flammes, marchant parmi les ruines fumantes, sautant ici une poutre enflammée, là un entassement de pierres brûlantes, oui, dans cette fournaise, apparut un homme !
    Les sourcils et les cheveux à demi brûlés, les vêtements en lambeaux, noir dans l’auréole écarlate des flammes, cet homme tourna vers Damville, vers la foule, un visage effrayant où on ne vit que le flamboiement des yeux… :
    Et cet homme, c’était le chevalier de Pardaillan !…
    – Mon père !… monsieur !… monsieur de Pardaillan !…
    – Ici, par les cornes du diable !
    A la voix angoissée du chevalier, ce fut comme un souffle qui répondit.
    Le chevalier bondit. Sous un entassement de poutres et de pierres, il vit alors son père. Arc-bouté sur ses genoux, le vieux routier soutenait encore de ses épaules la charge effroyable des matières écroulées sur lui. Il était livide. Son souffle court et rauque ne rendait plus qu’un râle. Il souriait à son fils.
    – Me voici, père, me voici… ce ne sera rien… courage… encore cette pierre… oh ! vos pauvres cheveux blancs sont brûlés… plus que cette poutre… votre jambe, seigneur ! seigneur !… écrasée !… courage, courage…
    Délirant, la voix tremblante, le geste fiévreux, rude, le chevalier travaillait…
    – Tu n’auras donc… jamais… voulu m’écouter… Je t’avais ordonné… de fuir…
    Le chevalier saisit son père à pleins bras, le souleva…
    – Père… père… il n’y a que la jambe, n’est-ce pas ?… Oui, oui… pas d’autres blessures…
    – Je dois avoir… deux ou trois côtes… un peu… froissées… Laisse-moi, allons !… va donc… obéis une fois, que diable !…
    Le vieux routier avait la poitrine fracassée.
    Sur son dernier mot, il perdit connaissance. Un sanglot terrible convulsa la gorge du chevalier…
    Il enleva le vieux dans ses deux bras et se mit en marche…
    Alors, dans la fournaise des ruines, il apparut à la foule tel que dut être Enée lorsque, chargeant son père Anchise sur ses épaules, il l’emporta à travers les ruines fumantes de Troie vaincue !…
    La foule se rua avec un long hurlement de mort et envahit les décombres de ce qui avait été la cour d’honneur.
    Le chevalier de Pardaillan se retourna, son père dans ses bras…
    Et peut-être le visage de ce fils emportant son père avait-il quelque chose de surhumain, peut-être le flamboiement de ses yeux, prit-il l’expression de sublime orgueil que les poètes antiques prêtaient aux demi-dieux, peut-être, sanglant, déchiré, brûlé, méconnaissable, apparut-il comme un de ces êtres fabuleux dont le regard pétrifiait les hommes… car la foule, avec un sourd grognement, s’arrêta, recula… et des centaines, parmi ces furieux, se découvrirent dans un grand frisson…
    L’instant d’après, le chevalier emportant son père chargé sur ses épaules achevait de franchir les ruines, se retrouvait

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