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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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ainsi dire montré de près l’échafaud, elle le sauva et le garda près d’elle, et sans doute, il lui rendit encore plus d’un mystérieux service.
    Après les massacres de la Saint-Barthélemy, le duc de Guise rejoignit son gouvernement de Champagne, et le duc de Damville, son gouvernement de Guyenne. Henri de Guise comprenait que Catherine de Médicis, chaudement félicitée par Rome et par l’Espagne, triomphait pour l’heure. Mais sans doute il ne renonçait pas à ses projets car, en s’éloignant de Paris, il montra le poing au Louvre et gronda entre ses dents serrées :
    – Tout n’est pas fini !…
    Quant à Damville, lorsqu’il sut que son frère et Jeanne de Piennes avaient pu gagner Montmorency, il tomba dans un état de prostration qui faillit lui coûter la vie… Mais sa robuste constitution, la rage et le désir de vengeance furent plus forts que la mort. Il quitta Paris en disant, lui aussi :
    – Je reviendrai ! Tout n’est pas fini, mon frère !
    Nous prierons maintenant le lecteur de se transporter au château de Vincennes, résidence et prison royale. C’est par une magnifique matinée d’été. Nous sommes au 30 mai de l’an 1574, c’est-à-dire exactement vingt et un mois et six jours après ce dimanche de la fête de la Saint-Barthélemy où le roi Charles IX avait laissé massacrer ses hôtes et ou, lui-même, se mettant à arquebuser les victimes par la fenêtre de son cabinet, avait poussé ce sinistre hurlement :
    – Tuez ! Tuez ! Tuez !
    Près de deux ans, donc, se sont écoulés depuis l’abominable forfait.
    Pendant ces deux ans, comment a vécu le misérable fou qui fut encore plus fou que scélérat, qui porte seul dans l’histoire le redoutable fardeau de l’exécration, alors qu’il ne fut qu’un instrument, alors que la responsabilité de la sombre tragédie devrait remonter de Charles à sa mère Catherine, de la Médicis au duc de Guise et d’Henri le Souffleté à ce hideux tribunal d’iniquité qui s’appelle l’Inquisition !
    Entouré d’intrigants qui guettaient sa mort et l’escomptaient ouvertement, Charles vécut retiré, laissant le gouvernement à sa mère, en proie à des crises de plus en plus rapprochées et terribles.
    Il voyait bien qu’autour de lui, tous, sa mère, ses frères, ses courtisans, trouvaient qu’il avait trop vécu. Et pourtant, il n’avait que vingt-trois ans. Les conspirations se multipliaient à la cour, transformée en un misérable champ de bataille où les partis se déchiraient, mais où ils se mettaient tous d’accord contre le roi. Brantôme dit qu’au moment de se retirer au château de Vincennes, Charles s’écria amèrement :
    – Ah ! c’est trop m’en vouloir ! Au moins, s’ils eussent attendu ma mort !…
    A Vincennes, sous les beaux ombrages du bois, il retrouva quelque tranquillité. Mais ses nuits étaient terribles. Dès qu’il s’endormait, il se voyait entouré de spectres auxquels il demandait grâce. Il ne parvenait à dormir un peu que lorsque sa nourrice, assise près de son lit, lui racontait de vieilles histoires de chevalerie, comme on fait aux enfants peureux, pour les endormir.
    Il passait le temps à terminer son livre sur la
Chasse royale
(livre paru en 1625) ; la nuit, il s’essayait à écrire des poésies dont quelques-unes sont d’une étonnante pureté et témoignent d’un esprit supérieur à son temps par certains côtés. Telle est la pièce bien connue qu’il écrivit à Ronsard, qui commence ainsi :
    L’art de faire des vers, dût-on s’en indigner,
    Doit être à plus haut prix que celui de régner.
    Tous deux également nous portons des couronnes
    Mais, roi, je les reçois ; poète, tu les donnes…
    et qui se termine par un très bel alexandrin que le grand Corneille n’eût pas désavoué.
    Je puis donner la mort ; toi l’immortalité.
    Il faisait aussi de la musique, se mêlait aux choses qu’il organisait, faisait venir des musiciens avec lesquels il discutait fiévreusement pendant des heures. Mais Souvent, au milieu d’un chœur ou d’une discussion, ou bien lorsqu’il était assis à sa table de travail, on le voyait s’arrêter tout à coup, pâlir et trembler de tous ses membres. Et alors, ceux qui, comme sa nourrice, pouvaient l’approcher de très près, l’entendaient murmurer :
    – Que de sang ! que de meurtres ! Ah ! que j’ai eu un méchant conseil ? O mon Dieu, pardonne-les moi et fais-moi miséricorde !…
    Puis il se

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