L'épopée des Gaulois
l’avantage temporaire qu’ils ont acquis. C’est l’avantage de leur position par rapport à la nôtre qui est cause de notre échec. Mais, soyez-en certains, nous prendrons bientôt notre revanche et elle sera éclatante !…
Après cette harangue, il fit partir en ordre tous ses soldats et regagna les rives de l’Allier, guetté par les troupes que Vercingétorix avait envoyées pour surveiller son arrière-garde. Il fit construire en hâte quelques ponts sur le fleuve et passa sur l’autre rive où il se sentait davantage en sécurité.
C’est alors que le proconsul apprit que Litaviccos, qui commandait le détachement de cavalerie des Éduens, avait abandonné l’armée romaine et s’était précipité chez les siens pour les gagner à la cause de Vercingétorix. Et l’on vint lui annoncer peu après que les Éduens Viridomaros et Éporédorix, reniant tous leurs engagements, avaient décidé de suivre Litaviccos et de participer à la lutte entreprise par la plupart des Gaulois dans le but de chasser les Romains du territoire de leurs ancêtres.
De plus, l’unanimité semblait réalisée chez ces Éduens. D’un commun accord, eux qui avaient tant espéré de leur alliance avec Rome, décidèrent de participer pleinement à l’entreprise. Ils allèrent même jusqu’à incendier leur principale ville, Noviodunum 178 , où se trouvaient rassemblés tous les approvisionnements dont aurait pu s’emparer César, et leurs troupes se réfugièrent dans leur immense forteresse de Bibracte 179 . Le proconsul, sachant désormais qu’il ne pouvait plus compter sur ses anciens alliés, se hâta de remonter le cours de l’Allier et établit son quartier général chez les Lingons, bien que ceux-ci ne lui parussent guère favorables, eux non plus.
Pendant ce temps-là, Labiénus, que César avait envoyé chez les Sénons et les Parisii, connaissait des difficultés sans nombre. Il avait tenté une première fois de s’emparer de Lutèce, mais s’était heurté à la résistance opiniâtre d’une coalition de peuples de la Celtique, dirigée par Camulogène, un vieil Aulerque dont la valeur militaire était reconnue de tous. Camulogène avait entraîné les troupes de Labiénus dans des zones marécageuses qui s’étendaient sur la rive nord de la Seine, et les Romains y avaient subi de lourdes pertes. Labiénus avait alors été dans l’obligation de se replier à Melodunum 180 , qu’il considérait comme un endroit très sûr. Là, il s’empara de nombreuses embarcations et, descendant le cours de la Seine, il fit irruption en plein cœur de Lutèce. Mais les habitants de cette ville brûlèrent toutes leurs habitations et se réfugièrent sur les hauteurs voisines. Labiénus se sentit perdu. Tentant le tout pour le tout et voulant rejoindre le gros des forces de César, il engagea un ultime combat contre les Gaulois et parvint à forcer le passage au cours d’un engagement qui coûta la vie à l’héroïque Camulogène. Éprouvées par les combats acharnés qui s’étaient livrés à Lutèce et tout au long de la vallée de la Seine, les troupes de Labiénus parvinrent en piteux état, en passant par Agedicum 181 , à rejoindre le quartier général de César.
Vercingétorix sentait très proche une victoire décisive sur les Romains, d’autant plus qu’il se trouvait réconforté par le ralliement, certes tardif, mais massif des Éduens qui avaient été pendant si longtemps les auxiliaires dévoués, mais intéressés, du proconsul. Ce fut à Bibracte qu’il convoqua d’ailleurs une assemblée générale de tous les peuples de la Gaule, du moins de ceux qui avaient renoncé à toute compromission envers Rome. On se rendit en foule à Bibracte, de toutes parts. Vercingétorix fit le bilan de son action passée et présenta le programme qu’il préconisait. La décision fut laissée au suffrage populaire. Et ce suffrage, obtenu à l’unanimité, fut concluant : celui qui n’était auparavant que roi proclamé des Arvernes fut confirmé dans ses fonctions de commandant suprême de toutes les armées gauloises, y compris de celles des peuples de la Belgique, lesquelles, sur l’instigation de Commios l’Atrébate, définitivement brouillé avec César, avaient rejoint les troupes de la Celtique.
Certes, les Éduens, dont l’ambition était grande de dominer l’ensemble de la Gaule, avaient accepté du bout des lèvres le fait accompli. Ils éprouvaient un vif dépit à se voir
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