L'épopée des Gaulois
INTRODUCTION
À la recherche d’une épopée perdue
Des générations de petits Français, quelle que fût la couleur de leur peau, ont appris sur les bancs de l’école que leurs ancêtres les Gaulois étaient des grands blonds, braves mais peu civilisés, qui habitaient des huttes rondes au milieu des bois. Ce « cliché » a longtemps hanté nos mémoires. Mais qu’en est-il en réalité ? Cette question, les rédacteurs des manuels scolaires inspirés par Ernest Lavisse ne se la posaient certes pas. Il fallait essentiellement trouver aux Français des ancêtres et rassembler autour de quelques noms et de quelques faits, réels ou imaginaires, les constituants d’une nation républicaine, dans le cadre de valeurs traditionnelles, d’ailleurs héritées des celtomanes romantiques du XIX e siècle et des historiens et archéologues illuminés qui avaient fait leurs classes sous le Second Empire, autour de Napoléon III, dans le but non avoué de justifier la prise de pouvoir quelque peu discutable d’un authentique usurpateur.
On ne bâtit pas un empire sur du vide, pas plus qu’une maison sans des assises solides. On ne bâtit pas non plus une France républicaine, plongée dans l’amertume de la défaite de 1870, sans recourir à des thèmes patriotiques et en fait nationalistes , qui exaltaient le civisme, et des institutions considérées comme sacrées (bien que laïques). Les monarchistes se référaient plutôt à un modèle « franc », donc germanique. Les bonapartistes hésitaient entre une réminiscence nostalgique de l’Empire romain et l’idéologie véhiculée par une vague tradition gauloise. Il était donc nécessaire de trancher et de découvrir des racines qui pouvaient justifier la naissance d’une nation moderne, forte et équilibrée malgré les spécificités régionales qui pourtant la constituaient en profondeur. C’est d’ailleurs dans ce but que la Troisième République a développé un enseignement unitaire et obligatoire, privilégiant la langue française et tentant d’écarter, par l’intimidation et parfois par la violence, les moindres vestiges des langues vernaculaires (dialectes romans divers, tels l’occitan et le catalan, ainsi que l’alsacien, le basque, le breton, et le flamand) perçues comme des entraves à l’unification d’un état-nation.
On a donc choisi la source gauloise. C’était d’autant plus facile qu’elle se perdait dans la nuit des temps et qu’elle permettait toutes les manipulations possibles. Et que d’ambiguïtés dans tout cela !… Le concept d’ état-nation provient des spéculations philosophiques de Hegel, et l’on ne sait que trop, malheureusement, ce qu’il a provoqué au cours du XX e siècle, notamment en Allemagne l’époque du national-socialisme. Il n’y a pas loin de l’état-nation à l’état-poubelle : on ramasse tout ce qui traîne, on fabrique un mythe fondateur – qui n’est que la représentation concrète d’une idéologie dominante – et on lance dans des aventures mortelles des peuples qui n’avaient rien à faire dans cette histoire, mais qui ont été manipulés, intoxiqués à des fins plus que douteuses, et toujours au profit de quelques exaltés avides de pouvoir et de bénéfices sonnants et trébuchants. L’Histoire, telle qu’elle a été vécue par l’humanité tout entière, s’est faite à partir de mensonges qui sont autant de dérapages contrôlés.
Admettons que l’état-nation qu’on appelle la France soit d’origine gauloise. Cette référence, bien qu’elle soit toujours discutable et susceptible d’être nuancée, demeure valable à l’analyse à condition de prendre la notion de « gaulois » au sens très large du terme. Car il n’y a aucune race gauloise, seulement une appellation . Au temps de César et de Vercingétorix, on aurait bien étonné les habitants de la Gaule telle qu’on l’imagine en leur disant qu’ils étaient des Gaulois. Ils ignoraient complètement ce nom ( Galli ), qui leur a été donné par les Romains au moment de la conquête, et savaient seulement qu’ils appartenaient à un peuple, pour ne pas dire à une « tribu », vivant plus ou moins en autarcie et seulement conscient des racines communes qu’il pouvait avoir avec d’autres peuples voisins ou éloignés, mais de mêmes structures socioculturelles. D’après tout ce qu’on connaît de ces fameux Gaulois, on peut en déduire qu’ils n’ont jamais fait
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