Les amants de Brignais
frondeurs abandonnent le terrain. En réalité, ils relaient les archers, alternativement, en vue du harcèlement et non du combat proprement dit.
Il me semble qu’à Brignais, il y eut surprise d’une part, à laquelle s’ajoutait une attaque de flanc et arrière du camp français. Soit de nuit, soit de jour au cours de l’offensive sur la colline. Il y a, comme d’habitude, un manque absolu de pose de « sonnettes » à distance, dans toutes les directions et plus encore, un dévastateur sentiment de supériorité, de suffisance, de la part des royalistes.
D’autre part, vous savez que je me méfie terriblement des effectifs annoncés par les chroniqueurs. Souvenons-nous du travail de Delbrück visitant le champ de bataille de Marathon où l’on prétend que des centaines de milliers de Perses furent battus par des dizaines de milliers de Grecs. Il nota que le terrain était tout juste bon à faire évoluer une seule brigade d’infanterie prussienne.
Je sais bien que 15 000 hommes en ordre serré ne tiennent pas beaucoup de place, mais à quoi sert d’en avoir 15 000 si l’on est obligé de les mettre en tas, sans les déployer, alors que 5 000 suffiraient ? D’ailleurs, dans une armée de 10 000 hommes, combien y en avait-il d’aptes à combattre ? Un tiers était composé de valets, cuisiniers, palefreniers, etc. ; un autre tiers de commerçants, de ribaudes, etc. Si l’on fait le total, cela fait gros. Mais sur le terrain ?
Au reste, les pertes en hommes et en matériel n’ont jamais lieu pendant le combat qui ne dure, en général, qu’un laps de temps relativement court, mais toujours au moment où l’un des adversaires se considère comme perdant et tourne le dos. Alors, c’est le massacre.
Un sujet sur lequel je veux revenir : la cavalerie lourde médiévale. L’échec de la « chevalerie » n’est pas dû à une obstination, à une survivance du passé ; seuls les excès dus à de mauvais chefs ont pu faire allusion car, en réalité, depuis 2 000 à 3 000 ans, seule la cavalerie « cataphractée » était capable d’emporter une bataille d’infanterie bien menée, disciplinée. Pourquoi croyez-vous donc que la guerre de 14-18 a duré quatre années, sinon par l’impossibilité (mitrailleuses et artillerie) de crever avec rapidité la ligne fixée ? Ce ne fut possible que lorsque les blindés tout neufs de 17-18 intervinrent, nouvelle cavalerie lourde, avec une infanterie d’accompagnement en protection des abords et angles morts, puis en exploitation du choc assené.
À Brignais, l’échec de l’attaque cavalière sur quelque colline n’aurait guère eu de conséquences si les routiers, bien menés, n’avaient eu la haute intelligence d’intervenir au moment où c’était possible. Il est formellement loisible de revoir toutes les défaites françaises sous cet angle. Les Français eurent toujours le tort de se croire les plus forts de principe et d’attaquer sans avoir, auparavant, tâté les positions de l’ennemi. À Crécy, par exemple, le fait de négliger les arbalétriers se justifie par le fait de l’engagement tout à fait prématuré (une journée trop tôt) et avant que ces arbalétriers ne soient en mesure de contrer les archers gallois (ce qu’ils pouvaient faire en dehors du cas de mouvement manœuvrier). Les arbalétriers effectuent un tir tendu alors que les archers, à même distance, ne travaillent qu’en tir indirect fichant. Mais les chevaliers anglais s’étaient mis à pied, ne comptant surtout pas sur un combat désastreux (trop inégal) en personnes, et de cela, les Français n’en avaient rien su.
Les Français n’ont jamais mis assez en avant l’incapacité de leurs chefs de guerre. Seul Duguesclin a réussi à comprendre le tournant, sans doute à cause de son habitude des batailles d’em buscade et d’escarmouche. D’ailleurs, jusqu’à François I er , la cavalerie a repris largement le dessus, puis s’est écroulée à nouveau par suite de l’introduction de la formation nouvelle des piétons suisses et Landsknechts. Rien à voir avec les arquebuses que l’on a accusées… Puis, sous Louis XIII, renouveau de la cavalerie.
Sans arrêt, la suprématie change de camp.
LES FROIDS DE L’HIVER
Cette bataille a suscité une abondante correspondance entre Fauteur de ce roman et M. Frédéric Scuvée qui, on a vu précédemment, n’excluait pas l’attaque nocturne. Voici, pour conclusion, ses deux
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