Les amants de Brignais
où ils ont vécu (comme otages) en compagnie du roi Jean, dont ils sont les favoris, pendant les quatre années qui ont suivi le désastre, ils ont passé leur temps à se faire adorer des dames, mais ils n’ont rien vu de ce merveilleux ensemble d’institutions par où Edouard III a réussi à assurer sa suprématie militaire. Aussi, une dernière humiliation leur est réservée, et cette noblesse, aussi folle qu’intrépide, videra jusqu’à la lie son calice de honte. Pour le plus grand malheur de la France.
ANNEXE VIII
DE LA LIBÉRATION DES CONDAMNÉS À MORT
On peut lire, dans les Mémoires pour servir l’histoire de Calais , de M. de Bréquigny, l’un des plus sérieux et des plus probes historiens de Louis XV, tout un passage concernant la coutume de Calais et l’élargissement des prisonniers condamnés à mort sauvés par la volonté d’une femme : la liberté assortie d’un mariage immédiat (384) – ou presque.
L’an 1365, Joffe Dullard, flamand d’origine, avait été condamné à mort à Calais, pour un vol de 7 deniers sterling. Lorsqu’on le conduisait au supplice, une femme offrit de le prendre pour mari et demanda qu’on le délivrât, suivant l’ancienne coutume qui accordait la grâce au coupable condamné à mort four vol lorsqu’une femme consentait à l’épouser. Le cas n’était plus arrivé depuis la conquête de Calais par Edouard III, mais on soutint qu’il était arrivé plusieurs fois auparavant.
Le coupable fut reconduit en prison et le Gouver neur demanda des ordres au roi d’Angleterre. Ce prince ordonna qu’on l’informât de l’ancienneté de l’ouvrage : elle fut constatée et le roi fit grâce (385) .
De pareilles coutumes semblent s’être établies dès le premier âge d’une peuplade faible encore et chez qui toute autre considération cède à la nécessité de favoriser la population par tous les moyens possibles.
Une autre coutume – qui n’est même plus observée dans nos temps soi-disant « modernes » – consistait à séparer les prisonniers pour dettes de ceux du crime. On pensait, sous la tutelle d’Edouard III, que c’était une injustice barbare d’attacher ensemble un prisonnier insolvable et un bandit. De l’étude de M. de Bréquigny, il ressort que les Calaisiens étaient plus heureux lors de l’occupation anglaise que sous Philippe VI de Valois. Le roi d’Angleterre les avait affranchis de tous les droits seigneuriaux et de maintes autres contraintes.
***
Les cas de condamnés à mort graciés par une femme qui demandait à les épouser n’ont hélas ! pas été recensés. On sait seulement que ces sauvetages avaient lieu lors de certaines fêtes religieuses ou dans des circonstances très particulières. La tradition, alors, l’emportait sur la sentence, et si les juges s’y pliaient, c’était souvent de mauvais gré.
Cette coutume fut entretenue jusqu’à l’Empire, en certains lieux de France. Elle « déborda » même hors des frontières, comme l’attestent ces exemples : Un Picard étant à l’échelle pour être pendu, on lui présenta une femme de mauvaises mœurs qu’on lui proposa d’épouser s’il voulait sauver sa vie comme l’est la coutume en quelques endroits. Il la regarda quelque temps et, ayant remarqué qu’elle boitait :
– Elle boite, dit-il au bourreau. Attache ! Attache !
En 1686, un paysan de Crossen, en Allemagne, condamné à avoir le cou tranché, aima mieux mourir sur l’échafaud que d’avoir l’obligation de la vie à sa fe mme, qui avait obtenu sa grâce et la lui faisait offrir.
(Dictionnaire d’anecdotes, de traits singuliers et caractéristiques, historiettes, bons mots, naïvetés, saillies, reparties ingénieuses, Riom, 1808,2 e volume.)
Il y a environ 150 ans qu’un jeune homme condamné mort pour vol allait être pendu à Romont 140 . Il était déjà sous le gibet lorsqu’une fille se présente et, suivant l’usage du pays, offre de lui sauver la vie en épousant et en payant tous les frais de son procès criminel. Le condamné la considéra un moment puis, tapant sur l’épaule du bourreau, il lui dit :
– Compère, mon ami, allons seulement notre petit train : elle est borgne !
Et il monta lestement sur l’échelle fatale. Si l’on doute de cette coutume, qu’on prenne le Coutumier (manuscrit) du pays de Vaud, revu, corrigé et pigmenté par L. L. E. E. de la ville et canton de Fribourg.
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