Les Aventures de Nigel
maîtres que celui qui m’a créé, Votre très-gracieuse Majesté à qui j’obéis, et le noble Nigel Olifaunt, lord Glenvarloch, qui m’a fait subsister aussi long-temps qu’il a pu se soutenir lui-même, le pauvre gentilhomme !
– Encore Glenvarlochides ! s’écria le roi : sur mon honneur, il se tient en embuscade contre nous à chaque coin. – Maxwell frappe à la porte. – C’est sûrement George Heriot qui vient nous dire qu’il ne peut trouver ces bijoux. – Cache-toi derrière la tapisserie, Richie ; cache-toi bien, malheureux ; – prends garde d’éternuer, – de tousser, – de respirer ! Ce maudit Geordie Tin-tin est si diabolique, si empressé à débiter sa sagesse, et tellement en arrière pour apporter son argent, que, sur notre ame royale, nous serons bien aise de lui tirer un cheveu de la tête.
Richie se mit derrière la tapisserie pour complaire à l’humeur du bon roi ; et le monarque, qui ne craignait jamais de compromettre sa dignité pour satisfaire un caprice, après avoir ajusté de sa propre main la tapisserie, de manière à cacher le piège, demanda à Maxwell pourquoi il frappait : Maxwell répondit d’une voix si basse, que Richie Moniplies ne put rien entendre, car la singularité de sa situation ne diminuait nullement sa curiosité, ni son désir de la satisfaire le plus possible.
– Faites entrer Geordie Heriot, dit le roi ; et comme Richie put le voir à travers un trou de la tapisserie, si l’honnête citadin n’était pas réellement agité, il était du moins troublé. Le roi, dont la disposition d’esprit ou le caractère était précisément d’un genre à s’amuser de la scène qui allait suivre, reçut son hommage avec froideur, et commença par lui parler d’un air grave et sérieux, très-différent de la légèreté ordinaire et inconvenante de sa conduite. – Maître Heriot, dit-il, si notre mémoire nous sert bien, nous avons déposé entre vos mains certains bijoux de la couronne pour une certaine somme d’argent. – Est-ce vrai ou non ?
– Mon très-gracieux souverain, dit Heriot, je ne le conteste pas ; il a plu à Votre Majesté de le faire.
– Desquels bijoux, et cimelia, la propriété nous restait, continua le roi avec la même gravité, sauf toutefois vos droits à réclamer la somme avancée sur eux. Cette avance une fois remboursée, nous rentrons en possession de l’objet confié en dépôt, en gage, en cautionnement. Voëtius, Vinnius, Groënwigeneus, Pagenstecherus, et tous ceux qui ont traité de Contractu Oppignerationis consentiunt, in eumdem, – s’accordent sur le même point. Le droit romain, le droit coutumier d’Angleterre, et les réglemens municipaux de notre ancien royaume d’Écosse, quoiqu’ils diffèrent dans un plus grand nombre d’articles que je ne le voudrais, s’accordent dans celui-ci aussi exactement que les trois brins d’une corde bien tissée.
– N’en déplaise à Votre Majesté, répondit Heriot, il n’est pas nécessaire de tant d’autorités savantes pour prouver à un honnête homme que ses droits sur un dépôt cessent du moment que l’argent prêté est rendu.
– Hé bien ! monsieur, j’offre de rembourser la somme prêtée, et je demande à être remis en possession des joyaux que j’ai engagés entre vos mains. Je vous ai averti, il n’y a pas long-temps, que j’en aurais un besoin essentiel ; car une occasion prochaine devant bientôt nous obliger de paraître en public, il semblerait étrange que nous ne fussions point paré de ces ornemens, qui sont la propriété de la couronne, et dont l’absence nous attirerait infailliblement le mépris et le soupçon de nos vassaux.
Maître George Heriot sembla très-ému par ce discours de son souverain, et répliqua d’une voix agitée : – J’en atteste le ciel ! je suis entièrement innocent dans cette affaire, et je consentirais volontiers à perdre la somme avancée pour pouvoir restituer ces joyaux dont Votre Majesté déplore si justement l’absence. Si les bijoux étaient restés chez moi, le compte en serait facile à rendre ; mais Votre Majesté me fera la justice de se rappeler que, d’après ses ordres exprès, je les ai transférés à une autre personne qui avança une somme considérable, à peu près vers l’époque de mon départ pour Paris. Le besoin de cet argent était pressant, et je ne pus trouver d’autres moyens de me le procurer. Je dis à Votre Majesté, lorsque je lui
Weitere Kostenlose Bücher