Les Aventures de Nigel
limites.
– En effet, dit lord Glenvarloch en souriant, je suis resserré dans les limites de la bonne conduite ; mais j’espère que vous ne profiterez pas de ma situation pour juger trop sévèrement mes folies, Richie ?
– Dieu m’en préserve ! milord, Dieu m’en préserve ! répondit Richie d’un air qui exprimait à la fois un sentiment de sagesse supérieure et une sensibilité réelle ; surtout puisque Votre Seigneurie en convient. Je faisais autrefois d’humbles remontrances, comme c’était mon devoir ; mais je ne m’aviserai pas maintenant de rappeler le passé à Votre Seigneurie. Non, je suis moi-même une créature sujette à l’erreur, qui connaît ses petites faiblesses ; il n’est pas d’homme parfait.
– Mais Richie, dit lord Glenvarloch, quoique je vous sois très-obligé de vos offres de services, ils ne peuvent m’être ici que d’un faible usage, et ils vous seraient peut-être même préjudiciables.
– Votre Seigneurie me pardonnera encore, répondit Richie, à qui la situation respective des deux parties avait donné un ton dix fois plus décisif que de coutume ; mais comme ce sera moi qui conduirai cette affaire, je m’arrangerai de telle sorte que Votre Seigneurie se trouvera fort bien de mes services, et qu’ils ne me seront nullement préjudiciables.
– Je ne vois pas trop comment cela serait possible, ne fût-ce que par rapport à vos intérêts pécuniaires.
– Quant à mes intérêts pécuniaires, milord, répliqua Richie, je me trouve passablement pourvu, et, dans la circonstance actuelle, ma présence ici ne sera ni à charge à Votre Seigneurie, ni ruineuse pour moi. Je demande seulement la permission d’annexer certaines conditions à mon service auprès de Votre Seigneurie.
– Tout ce que vous voudrez, Richie ; car, que vous fassiez ou non des conditions, vous n’en agirez pas moins à votre guise. Puisque vous ne voulez pas me quitter, ce qui serait, je pense, le parti le plus sage pour vous, vous ne devez me servir qu’aux conditions qu’il vous plaira ; et c’est, je présume, ce que vous vous proposez de faire.
– Tout ce que je demande, milord, dit gravement Richie en affectant une grande modération ; c’est d’être libre d’agir comme je l’entendrai dans certains projets importans que j’ai en vue ; je ferai toujours jouir Votre Seigneurie de l’avantage de ma société et de mes soins, tant que cela sera convenable pour moi et nécessaire à votre service.
– Ce dont je présume que vous vous constituez seul juge, répondit Nigel en souriant.
– Sans aucun doute, milord, répliqua Richie avec gravité ; car Votre Seigneurie ne peut savoir ce qu’il lui faut ; tandis que moi qui vois les deux côtés du tableau, je sais ce qu’il y a de mieux pour vous, et de plus nécessaire pour moi.
– Richie, mon bon ami, dit Nigel, je craindrais que cet arrangement, qui place le maître en grande partie à la disposition du domestique, ne vous convînt guère si nous étions tous deux libres ; mais prisonnier comme je le suis, je puis aussi bien être à vos ordres qu’à ceux de tant d’autres : ainsi vous pouvez aller et venir comme vous l’entendrez, car je pense que vous ne me demanderez pas mon avis pour retourner dans votre pays, et m’abandonner à mon sort.
– Que le diable s’accroche à mes jambes si j’en fais rien, s’écria Moniplies ; je ne suis pas homme à abandonner Votre Seigneurie dans la tourmente, lorsque je l’ai suivie et qu’elle m’a nourri pendant tout le beau temps ; et du reste il peut y avoir encore d’heureux jours après tout ce qu’on a vu ; car
Malgré les vents et les orages,
– C’est mon pays que préfère mon cœur.
À peine à travers nos nuages
L’astre du jour y trahit sa splendeur ;
Mais ce climat si triste et si sévère,
C’est le climat de mon pays,
C’est le climat que je préfère,
C’est le pays que je chéris.
Après avoir chanté cette stance sur le ton d’un chanteur de ballades dont la voix a été cassée à force de lutter contre les mugissemens du vent du nord, Richie Moniplies aida lord Glenvarloch à se lever ; il l’assista à sa toilette avec toutes les marques possibles de la déférence la plus grave et la plus respectueuse ; ensuite il le servit pendant son déjeuner, et enfin il se retira, s’excusant sur une affaire importante qui le retiendrait quelques heures.
Quoique lord Glenvarloch s’attendît
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