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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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Zanetto.
Celui-ci convint du billet, non du payement. A force de batailler
il promit enfin trois sequins. Quand le Blond lui porta le billet,
les trois sequins ne se trouvèrent pas prêts; il fallut attendre.
Durant cette attente survint ma querelle avec l'ambassadeur, et ma
sortie de chez lui. Je laissai les papiers de l'ambassade dans le
plus grand ordre, mais le billet de Rousselot ne se trouva point.
M. le Blond m'assura me l'avoir rendu. Je le connaissais trop
honnête homme pour en douter; mais il me fut impossible de me
rappeler ce qu'était devenu ce billet. Comme Zanetto avait avoué la
dette, je priai M. le Blond de tâcher de tirer les trois sequins
sur un reçu, ou de l'engager à renouveler le billet par duplicata.
Zanetto, sachant le billet perdu, ne voulut faire ni l'un ni
l'autre. J'offris à Rousselot les trois sequins de ma bourse pour
l'acquit du billet. Il les refusa, et me dit que je m'accommoderais
à Paris avec le créancier, dont il me donna l'adresse. Le
perruquier, sachant ce qui s'était passé, voulut son billet ou son
argent en entier. Que n'aurais-je point donné dans mon indignation
pour retrouver ce maudit billet? Je payai les deux cents francs, et
cela dans ma plus grande détresse. Voilà comment la perte du billet
valut au créancier le payement de la somme entière, tandis que si,
malheureusement pour lui, ce billet se fût retrouvé, il en aurait
difficilement tiré les dix écus promis par Son Excellence Zanetto
Nani.
    Le talent que je me crus sentir pour mon emploi me le fit
remplir avec goût; et hors la société de mon ami Carrio, celle du
vertueux Altuna, dont j'aurai bientôt à parler, hors les
récréations bien innocentes de la place Saint-Marc, du spectacle et
de quelques visites que nous faisions presque toujours ensemble, je
fis mes seuls plaisirs de mes devoirs. Quoique mon travail ne fût
pas fort pénible, surtout avec l'aide de l'abbé de Binis, comme la
correspondance était très étendue et qu'on était en temps de
guerre, je ne laissais pas d'être occupé raisonnablement. Je
travaillais tous les jours une bonne partie de la matinée, et les
jours de courrier quelquefois jusqu'à minuit. Je consacrais le
reste du temps à l'étude du métier que je commençais, et dans
lequel je comptais bien, par le succès de mon début, être employé
plus avantageusement dans la suite. En effet, il n'y avait qu'une
voix sur mon compte, à commencer par celle de l'ambassadeur, qui se
loua hautement de mon service, qui ne s'en est jamais plaint, et
dont toute la fureur ne vint dans la suite que de ce que, m'étant
plaint inutilement moi-même, je voulus enfin avoir mon congé. Les
ambassadeurs et ministres du roi, avec qui nous étions en
correspondance, lui faisaient, sur le mérite de son secrétaire, des
compliments qui devaient le flatter, et qui, dans sa mauvaise tête,
produisaient un effet tout contraire. Il en reçut un surtout dans
une circonstance essentielle, qu'il ne m'a jamais pardonné. Ceci
vaut la peine d'être expliqué.
    Il pouvait si peu se gêner, que le samedi même, jour de presque
tous les courriers, il ne pouvait attendre pour sortir que le
travail fût achevé; et me talonnant sans cesse pour expédier les
dépêches du roi et des ministres, il les signait en hâte, et puis
courait je ne sais où, laissant la plupart des autres lettres sans
signature: ce qui me forçait, quand ce n'était que des nouvelles,
de les tourner en bulletin; mais lorsqu'il s'agissait d'affaires
qui regardaient le service du roi, il fallait bien que quelqu'un
signât, et je signais. J'en usai ainsi pour un avis important que
nous venions de recevoir de M. Vincent, chargé des affaires du roi
à Vienne. C'était dans le temps que le prince de Lobkowitz marchait
à Naples, et que le comte de Gages fit cette mémorable retraite, la
plus belle manœuvre de guerre de tout le siècle, et dont l'Europe a
trop peu parlé. L'avis portait qu'un homme, dont M. Vincent nous
envoyait le signalement, partait de Vienne, et devait passer à
Venise, allant furtivement dans l'Abruzze, chargé d'y faire
soulever le peuple à l'approche des Autrichiens. En l'absence de M.
le comte de Montaigu, qui ne s'intéressait à rien, je fis passer à
M. le marquis de l'Hôpital cet avis si à propos, que c'est
peut-être à ce pauvre Jean-Jacques si bafoué que la maison de
Bourbon doit la conservation du royaume de Naples.
    Le marquis de l'Hôpital, en remerciant son collègue comme il
était juste,

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