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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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de sa comédie, un peu fat auprès des femmes, et
n'en fut pas extrêmement regretté.
    Mais je ne puis omettre une correspondance nouvelle de ce
temps-là, qui a trop influé sur le reste de ma vie pour que je
néglige d'en marquer le commencement. Il s'agit de M. de Lamoignon
de Malesherbes, premier président de la cour des aides, chargé pour
lors de la librairie, qu'il gouvernait avec autant de lumières que
de douceur et à la grande satisfaction des gens de lettres. Je ne
l'avais pas été voir à Paris une seule fois; cependant j'avais
toujours éprouvé de sa part les facilités les plus obligeantes,
quant à la censure; et je savais qu'en plus d'une occasion il avait
fort malmené ceux qui écrivaient contre moi. J'eus de nouvelles
preuves de ses bontés au sujet de l'impression de la Julie; car les
épreuves d'un si grand ouvrage étant fort coûteuses à faire venir
d'Amsterdam par la poste, il permit, ayant ses ports francs,
qu'elles lui fussent adressées; et il me les envoyait franches
aussi, sous le contre-seing de M. le chancelier son père. Quand
l'ouvrage fut imprimé, il n'en permit le débit dans le royaume
qu'ensuite d'une édition qu'il en fit faire à mon profit, malgré
moi-même: comme ce profit eût été de ma part un vol fait à Rey, à
qui j'avais vendu mon manuscrit, non seulement je ne voulus point
accepter le présent qui m'était destiné pour cela, sans son aveu,
qu'il accorda très généreusement; mais je voulus partager avec lui
les cent pistoles à quoi monta ce présent, et dont il ne voulut
rien. Pour ces cent pistoles, j'eus le désagrément dont M. de
Malesherbes ne m'avait pas prévenu, de voir horriblement mutiler
mon ouvrage, et empêcher le débit de la bonne édition jusqu'à ce
que la mauvaise fût écoulée.
    J'ai toujours regardé M. Malesherbes comme un homme d'une
droiture à toute épreuve. Jamais rien de ce qui m'est arrivé ne m'a
fait douter un moment de sa probité: mais aussi faible qu'honnête,
il nuit quelquefois aux gens pour lesquels il s'intéresse, à force
de les vouloir préserver. Non seulement il fit retrancher plus de
cent pages dans l'édition de Paris, mais il fit un retranchement
qui pouvait porter le nom d'infidélité dans l'exemplaire de la
bonne édition qu'il envoya à madame de Pompadour. Il est dit
quelque part, dans cet ouvrage, que la femme d'un charbonnier est
plus digne de respect que la maîtresse d'un prince. Cette phrase
m'était venue dans la chaleur de la composition, sans aucune
application, je le jure. En relisant l'ouvrage, je vis qu'on ferait
cette application. Cependant, par la très imprudente maxime de ne
rien ôter par égard aux applications qu'on pouvait faire, quand
j'avais dans ma conscience le témoignage de ne les avoir pas faites
en écrivant, je ne voulus point ôter cette phrase, et je me
contentai de substituer le mot prince au mot roi, que j'avais
d'abord mis. Cet adoucissement ne parut pas suffisant à M. de
Malesherbes: il retrancha la phrase entière, dans un carton qu'il
fit imprimer exprès, et coller aussi proprement qu'il fut possible
dans l'exemplaire de madame de Pompadour. Elle n'ignora pas ce tour
de passe-passe: il se trouva de bonnes âmes qui l'en instruisirent.
Pour moi, je ne l'appris que longtemps après, lorsque je commençais
d'en sentir les suites.
    N'est-ce point encore ici la première origine de la haine
couverte, mais implacable, d'une autre dame qui était dans un cas
pareil, sans que j'en susse rien, ni même que je la connusse quand
j'écrivis ce passage? Quand le livre se publia, la connaissance
était faite, et j'étais très inquiet. Je le dis au chevalier de
Lorenzi, qui se moqua de moi, et m'assura que cette dame en était
si peu offensée qu'elle n'y avait pas même fait attention. Je le
crus, un peu légèrement peut-être et je me tranquillisai fort mal à
propos.
    Je reçus, à l'entrée de l'hiver, une nouvelle marque des bontés
de M. de Malesherbes, à laquelle je fus fort sensible, quoique je
ne jugeasse pas à propos d'en profiter. Il y avait une place
vacante dans le Journal des savants. Margency m'écrivit pour me la
proposer, comme de lui-même. Mais il me fut aisé de comprendre, par
le tour de sa lettre (liasse C, no 33), qu'il était instruit et
autorisé; et lui-même me marqua dans la suite (liasse C, no 47)
qu'il avait été chargé de me faire cette offre. Le travail de cette
place était peu de chose. Il ne s'agissait que de deux extraits par
mois, dont on

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