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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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clôture,
et dit qu'elle voulait sortir, chrétienne ou non. Il fallut la
prendre au mot tandis qu'elle consentait encore à l'être, de peur
qu'elle ne se mutinât et qu'elle ne le voulût plus.
    La petite communauté fut assemblée en l'honneur du nouveau venu.
On nous fit une courte exhortation: à moi, pour m'engager à
répondre à la grâce que Dieu me faisait; aux autres, pour les
inviter à m'accorder leurs prières et à m'édifier par leurs
exemples. Après quoi, nos vierges étant rentrées dans leur clôture,
j'eus le temps de m'étonner tout à mon aise de celle où je me
trouvais.
    Le lendemain matin on nous assembla de nouveau pour
l'instruction; et ce fut alors que je commençai à réfléchir pour la
première fois sur le pas que j'allais faire, et sur les démarches
qui m'y avaient entraîné.
    J'ai dit, je répète et je répéterai peut-être encore une chose
dont je suis tous les jours plus pénétré: c'est que si jamais
enfant reçut une éducation raisonnable et saine, ç'a été moi. Né
dans une famille que ses mœurs distinguaient du peuple, je n'avais
reçu que des leçons de sagesse et des exemples d'honneur de tous
mes parents. Mon père, quoique homme de plaisir, avait non
seulement une probité sûre, mais beaucoup de religion. Galant homme
dans le monde, et chrétien dans l'intérieur, il m'avait inspiré de
bonne heure les sentiments dont il était pénétré. De mes trois
tantes, toutes sages et vertueuses, les deux aînées étaient
dévotes; et la troisième, fille à la fois pleine de grâce, d'esprit
et de sens, l'était peut-être encore plus qu'elles, quoique avec
moins d'ostentation. Du sein de cette estimable famille je passai
chez M. Lambercier, qui, bien qu'homme d'Église et prédicateur,
était croyant en dedans, et faisait presque aussi bien qu'il
disait. Sa sœur et lui cultivèrent, par des instructions douces et
judicieuses, les principes de piété qu'ils trouvèrent dans mon
cœur. Ces dignes gens employèrent pour cela des moyens si vrais, si
discrets, si raisonnables, que, loin de m'ennuyer au sermon, je
n'en sortais jamais sans être intérieurement touché et sans faire
des résolutions de bien vivre, auxquelles je manquais rarement en y
pensant. Chez ma tante Bernard la dévotion m'ennuyait un peu plus,
parce qu'elle en faisait un métier. Chez mon maître je n'y pensais
plus guère, sans pourtant penser différemment. Je ne trouvai point
de jeunes gens qui me pervertissent. Je devins polisson, mais non
libertin.
    J'avais donc de la religion tout ce qu'un enfant à l'âge où
j'étais en pouvait avoir. J'en avais même davantage, car pourquoi
déguiser ici ma pensée? Mon enfance ne fut point d'un enfant; je
sentis, je pensai toujours en homme. Ce n'est qu'en grandissant que
je suis rentré dans la classe ordinaire; en naissant, j'en étais
sorti. L'on rira de me voir me donner modestement pour un prodige.
Soit: mais quand on aura bien ri, qu'on trouve un enfant qu'à six
ans les romans attachent, intéressent, transportent au point d'en
pleurer à chaudes larmes; alors je sentirai ma vanité ridicule, et
je conviendrai que j'ai tort.
    Ainsi, quand j'ai dit qu'il ne fallait point parler aux enfants
de religion si l'on voulait qu'un jour ils en eussent, et qu'ils
étaient incapables de connaître Dieu, même à notre manière, j'ai
tiré mon sentiment de mes observations, non de ma propre
expérience: je savais qu'elle ne concluait rien pour les autres.
Trouvez des Jean-Jacques Rousseau à six ans, et parlez-leur de Dieu
à sept, je vous réponds que vous ne courez aucun risque.
    On sent, je crois, qu'avoir de la religion, pour un enfant, et
même pour un homme, c'est suivre celle où il est né. Quelquefois on
en ôte; rarement on y ajoute: la foi dogmatique est un fruit de
l'éducation. Outre ce principe commun qui m'attachait au culte de
mes pères, j'avais l'aversion particulière à notre ville pour le
catholicisme, qu'on nous donnait pour une affreuse idolâtrie, et
dont on nous peignait le clergé sous les plus noires couleurs. Ce
sentiment allait si loin chez moi, qu'au commencement je
n'entrevoyais jamais le dedans d'une église, je ne rencontrais
jamais un prêtre en surplis, je n'entendais jamais la sonnette
d'une procession, sans un frémissement de terreur et d'effroi, qui
me quitta bientôt dans les villes, mais qui souvent m'a repris dans
les paroisses de campagne, plus semblables à celles où je l'avais
d'abord éprouvé. Il est vrai que cette

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