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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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la Palestine dans les années
1930 et, résultat de cette sage décision, il avait été enterré, le moment venu,
en Israël. Le frère aîné, qui était aussi le plus beau des sept frères et
sœurs, le plus adoré et adulé, le prince de la famille, était venu jeune
homme à New York, en 1913. Mais, après une année maigre passée là-bas chez une
tante et un oncle, il avait décidé qu'il préférait Bolechow. Et donc, après une
année aux Etats-Unis, il était rentré – un choix qu'il savait, puisqu'il
avait fini par trouver le bonheur et la prospérité, être le bon. Il n'a pas de
tombe du tout.
     
     
    Ces vieux hommes et
ces vieilles femmes qui, parfois, à ma simple apparition se mettaient à
pleurer, ces vieilles personnes juives dont il fallait embrasser les joues,
avec leurs bracelets de montre en faux alligator et leurs plaisanteries salaces
en yiddish, et leurs lunettes à montures en plastique noir, et le plastique
jauni de leur prothèse auditive derrière l'oreille, avec leurs verres remplis à
ras bord de whiskey, avec leurs crayons qu'ils vous offraient à chaque fois
qu'ils vous voyaient et qui portaient les noms de banques ou de concessions
automobiles, avec leurs robes évasées en coton imprimé et leurs trois rangs de
perles en plastique blanc, et leurs boucles d'oreilles en cristal transparent,
et leur vernis rouge qui brillait et faisait résonner leurs ongles longs, si
longs, quand elles jouaient au mah-jong ou à la canasta, ou encore serraient
les longues, si longues, cigarettes qu'elles fumaient – ces vieux hommes
et ces vieilles femmes, ceux que je pouvais faire pleurer, avaient certaines
autres choses en commun. Tous parlaient avec un accent particulier, un accent
qui m'était familier parce que c'était celui qui hantait légèrement, mais de
façon perceptible, les propos de mon grand-père : pas trop prononcé, puisque au
moment où j'ai été assez âgé pour remarquer ce genre de choses, ils avaient
vécu ici, en Amérique, pendant un demi-siècle ; mais il y avait encore une
rondeur révélatrice, une affectation dans certains mots avec des r et
des l , comme chéri ou fabuleux, une façon de mordre dans
le t de mots comme terrible, et de transformer en f le v d'autres mots comme (un mot que mon grand-père, qui aimait raconter des
histoires, utilisait souvent) vérité. C'est la férité ! disait-il.
Ces vieux Juifs avaient tendance à s'interrompre souvent les uns les autres au
cours de ces réunions où eux et nous envahissions la salle de séjour mal aérée
de l'un d'eux, à couper la parole à celui qui racontait une histoire pour
apporter une correction ou pour rappeler ce qui s'était vraiment passé au cours
de cette période fabullleuse ou (plus probablement) t-errible,
chérrri, j'y atais, je m'a souviens, et je te la dis, c'est la férité.
    Plus spécifique et mémorable
encore, ils semblaient tous avoir, les uns pour les autres, une seconde série
de noms, interchangeables. Cela me troublait et me désorientait, quand j'avais
six ou sept ans, parce que je croyais que le nom de, disons, ma Nana était
Gertrude, ou parfois Gerty, et je n'arrivais donc pas à comprendre pourquoi, au
sein de cette compagnie choisie, en Floride, au cours des grandes réunions
familiales qui avaient lieu quarante ans après que la famille despotique et
théâtrale de son mari avait débarqué à Ellis Island pour se transformer en
Américains (tout en ne cessant jamais de raconter des histoires sur l'Europe),
elle devenait Golda. Je ne pouvais pas non plus comprendre pourquoi le
frère cadet de mon grand-père, notre oncle Julius, un des fameux distributeurs
de crayons publicitaires, qui avait fait un mariage anormalement tardif et que
mon grand-père, arrogant et bien habillé, traitait toujours avec cette sorte
d'indulgence qu'on réserve aux animaux domestiques mal dressés, devenait
soudain Yidl (il fallut des décennies avant que je découvre que le nom
sur son extrait de naissance était Judah Aryeh, c'est-à-dire « Lion de
Judée »). Et qui était cette Neche –  ça avait un peu la
sonorité de Nehkhuh –  à laquelle mon grand-père faisait de temps en
temps allusion comme à sa petite sœur adorée qui, je le savais, était morte
brutalement d'une crise cardiaque à l'âge de trente-cinq ans en 1943, à la
table de Thanks-giving (raison pour laquelle, m'expliquait mon grand-père, il
n'aimait pas cette fête). Qui était cette Nehkhuh, puisque je savais

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