Les émeraudes Du Prophète
mouvement des épaules comme pour chasser une gêne mais, matée, elle s’approcha à regret de la main tendue. Ce fut le moment que choisit Aldo pour entrer en scène. Franchissant d’un bond la baie entrouverte, il se trouva là à point nommé pour saisir les « sorts sacrés » au moment où ils passaient de l’un à l’autre.
— Je crois, dit-il froidement, que ceci n’appartient à aucun de vous deux. Souffrez que je les récupère pour les rendre à qui de droit ! ajouta-t-il en les glissant tranquillement dans sa poche.
— Qui de droit ? fit sir Percy sans paraître autrement surpris de le voir là. J’aimerais savoir de qui il s’agit, selon vous ? En aucun cas, je pense, à ce brigand juif qui a reçu hier le salaire de son avidité ?
— Il s’agit du peuple d’Israël… à moins que vous ne contestiez les héritiers du prophète Élie ! Quant au rabbin que vous avez fait assassiner hier, il les voulait pour donner plus de puissance aux siens et c’était, après tout, assez noble même si les moyens employés pour se les procurer ne l’étaient guère. Et à ce sujet, vous n’avez rien à lui envier : où est la princesse Morosini, mon épouse ?
— Je l’ignore… oh, mais vous êtes venu avec un véritable commando, ajouta sir Percy en voyant Adalbert suivi d’Ézéchiel l’arme au poing se précipiter sur Hilary qui s’approchait d’un gong, afin d’alerter, sans doute, le valet Farid. Ravi de vous revoir, mon cher confrère !
— Dire que je vous croyais quelqu’un de bien ! soupira Adalbert déjà occupé à ficeler la jeune femme avec un cordon de tirage arraché aux rideaux. Désolé, ma chère mais avec vous on ne prend jamais assez de précautions.
— Parce que vous croyez me réduire à l’impuissance définitive avec votre bout de ficelle ? dit la jeune femme en riant. Ne rêvez pas, mon cher Adalbert ! Je resterai encore moins longtemps dans ces liens-là que dans ceux dont vous rêviez pour nos deux vies.
— Non sans quelques débats intimes, ma chère amie. Je peux vous confier à présent qu’on ne renonce pas si facilement à l’agréable existence qui est la mienne. Avec vous, je risquais de perdre mon fidèle Théobald, la perle des serviteurs. Cela demandait réflexion…
— Ne fanfaronnez pas ! Vous savez bien que vous êtes très amoureux de moi…
— J’étais, ma chère, j’étais ! Voyez-vous, je parais peut-être un peu lent mais il m’arrive de comprendre vite. Ainsi je n’aurai aucun état d’âme en remettant Margot la Pie à quelque police que ce soit.
Elle haussa des épaules dédaigneuses :
— Vous en êtes toujours à cette fable ridicule ?
— Pas si ridicule que ça ! Il y a, ici même, la preuve que vous et cette intéressante personne n’en font qu’une…
Ce qu’il considérait comme un insupportable marivaudage exaspéra soudain Ézéchiel :
— Assez parlé ! gronda-t-il en pointant son pistolet alternativement sur la jeune femme et sur le vieil homme. Je veux savoir qui a fait tuer Rabbi Abner ?… Et ne me répondez pas que ce sont des Arabes quelconques ! Ils n’ont été que les exécuteurs et ce que je veux savoir, moi, c’est qui a donné l’ordre. Vous ? ou vous ?
— Lui sans doute, dit Morosini. Avant de nous abandonner ligotés à la piscine de Siloé, cette femme nous a dit qu’elle agissait sur ordre et comme les émeraudes étaient ici…
— Eh bien, nous allons le faire parler ! grinça le jeune homme en marchant résolument vers sir Percy ! Et je vous jure qu’il va avouer…
S’il pensait terrifier sa future victime, Ézéchiel se trompait. Au lieu de se montrer effrayé, l’archéologue éclata de rire et, haussant soudain la voix :
— En avez-vous entendu suffisamment, capitaine ?
Aussitôt un coup de sifflet strident retentit en même temps qu’un officier et deux soldats de la police militaire sortaient, l’un de derrière une bibliothèque, les autres d’une pièce voisine. Quatre autres sautèrent par-dessus la balustrade de la terrasse venant du jardin.
— Suffisamment, sir Percy, pour admettre que vous aviez raison de réclamer une protection pour cette nuit. Désarmez-les, vous autres !
En un clin d’œil, Aldo, Adalbert et Ézéchiel furent fouillés de fond en comble en dépit de leurs protestations, particulièrement violentes chez le jeune garçon auquel on passa les menottes. Et, bien entendu, la première chose que
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