Les grandes dames de la Renaissance
ainsi sa mort par les plaisirs auxquels il se livra à contretemps ou immodérément [196] ».
Quoi qu’il en soit, le roi mourut le 30 mai 1574, à l’âge de vingt-quatre ans, laissant Marie Touchet fort confuse…
Le 15 juin 1574, une lettre arriva à Cracovie. Elle était signée de la reine mère :
Au Roy, Monsieur mon fils, Roy de Pologne,
Votre frère est mort, ayant reçu Dieu le matin ; la dernière parole qu’il dit, ce fut « Et ma mère ! » Cela n’a pu être sans une extrême douleur pour moi et ne trouve consolation autre que de vous voir bientôt icy, comme votre royaume en a besoin et en bonne santé, car, si je venois à vous perdre, je me ferois enterrer avec vous, toute en vie…
Votre bonne et affectionnée mère, s’il y a jamais au monde .
Catherine.
Henri pleura de joie : il était roi de France, il allait quitter la Pologne, rentrer à Paris et tenir Marie dans ses bras…
Dominant son envie de gambader, il s’en fut, d’un air triste, annoncer au Conseil la mort de son frère. Quelques ministres exprimèrent alors leurs craintes de le voir partir. Il les rassura :
— Je suis d’abord roi de Pologne, dit-il, je ne vous abandonnerai pas.
Et, pour écarter tout soupçon, il fit mine de s’éprendre d’une dame de la Cour, la princesse Anne Jaguelon…
Mais quatre jours plus tard, le 18 juin, après avoir donné un grand dîner et fait rouler tous les grands seigneurs du royaume, ivres morts, sous les tables, il se déguisa, se mit un bandeau sur l’œil et, en compagnie de cinq amis sûrs, s’enfuit du palais en emportant à tout hasard les joyaux de la couronne…
Toute la nuit, ils galopèrent vers la frontière poursuivis par les Polonais qui n’avaient pas été longs à s’apercevoir de la disparition du roi. Cette course folle se termina au petit jour, lorsque, sur le point d’être rattrapé par ses ministres, Henri, fourbu, pénétra en Autriche…
Dès qu’il se sentit en sécurité, Henri III – puisque tel était désormais son nom – poussa un grand soupir et envoya une lettre à Marie de Clèves pour lui annoncer son arrivée prochaine.
Il comptait sans les nécessités diplomatiques. De Vesternitz, de Vienne, de Venise, en effet, lui parvinrent des invitations qu’il ne put repousser, et, un mois plus tard, il était encore l’hôte du doge…
Les fêtes vénitiennes, il est vrai, étaient responsables de l’indolence subite du roi. Lui qui adorait les couleurs, la musique, les beaux tissus, les bals costumés et les feux d’artifice se crut au paradis et voulut goûter à tous les plaisirs.
Tous sans exception, car – sans oublier, bien entendu, l’Élue, Sa Dame, la Princesse de ses pensées – il fréquenta les courtisanes de Venise et devint l’amant de la plus belle d’entre elles, Veronica Franco, l’amie du Titien.
Cette beauté rousse devait d’ailleurs avoir une influence capitale sur lui puisque, s’il faut en croire certains auteurs, elle l’initia à des pratiques « peu honnêtes et fort vicieuses en ce qu’il s’agit de l’amour à l’italienne, auquel le roi n’avait point encore goûté… »
Pourtant, vers le 15 août, Marie lui manqua soudain. Saisi d’une grande et « douloureuse envie d’aimer sa dame », il dit adieu à Venise et se dirigea vers la France.
Fin septembre, il était à Lyon, où Catherine de Médicis l’attendait. Le roi aurait voulu prendre tout de suite la route de Paris, courir vers Marie, commencer la procédure de divorce et préparer ses noces ; mais, le Midi protestant s’étant révolté, la reine mère lui conseilla de rester quelque temps à Lyon.
Henri III obéit, fort dépité, et rentra dans sa chambre pour écrire, à celle qu’il considérait déjà comme son « épouse », un billet passionné qu’elle ne devait jamais recevoir…
Quelques jours plus tard, en effet, Marie de Clèves, que le prince de Condé avait réussi à rendre enceinte, mourait subitement en donnant le jour à une fille.
Une lettre vint apprendre la nouvelle à Catherine de Médicis qui, pendant toute une journée, se demanda comment elle allait bien pouvoir en informer Henri…
Finalement, elle glissa la lettre parmi les papiers de l’État que le roi devait étudier le lendemain matin ; et c’est là, entre deux rapports d’ambassade, que le malheureux trouva les quelques mots qui allaient changer son destin…
Après les avoir lus, il
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