Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
Vom Netzwerk:
porte.
    — Gautier...
    Elle hésitait.
    — Oui, maîtresse ?
    — Nous allons partir bien loin.
    Le serviteur hocha la tête. L’inquiétude qu’il sentait chez sa maîtresse le renvoyait à ses propres peurs. Et depuis que son seigneur lui avait confié sa fille, il avait tant d’angoisses qu’il ne les pouvait compter. Mais au milieu de toutes, une seule chose le terrifiait vraiment :
    — Je ne sais pas nager, avoua-t-il.
    À cette déclaration faite d’un ton pitoyable, Eleonor se retint d’éclater de rire pour ne pas vexer le vieux serviteur. Il avait bien des défauts son Gautier – susceptible, menteur, glouton, buveur, poltron  –, mais bien des qualités aussi. Et puis, quand elle était petite, c’était lui qui lui avait appris à chasser et à pêcher, lui qui l’emmenait dans les bois écouter le brame du cerf... et la consolait quand elle avait mal.
    — Nous n’aurons pas à nager, protesta-t-elle. Seulement à nous habituer à la vie sur un bateau.
    Mais le serviteur, les sourcils froncés, continuait :
    — Oui, mais même ça, maîtresse, je vais être malade, c’est sûr... Et puis, toute cette eau autour de nous. Avec des poissons dedans...
    — Gautier !
    — Les hommes ne sont pas faits pour aller sur l’eau mais sur terre. On a des pieds et des mains, pas des nageoires !
    La jeune fille posa sa main sur l’épaule du vieux que cette simple pression calma aussitôt.
    — Je crois surtout qu’il faut que tu manges, déclara-t-elle. Ça ira mieux après.
    Au mot « manger », Gautier leva le nez et réalisa qu’une appétissante odeur de graisse de mouton montait jusqu’à ses narines.
    — C’est ma foi vrai. Avec tout ça, j’m’en rendais même pas compte. J’vais vous chercher vos affaires. N’ouvrez à personne, je frapperai deux coups.
    — Ne t’inquiète pas.
    Une fois Gautier sorti, la jeune fille se laissa tomber sur sa paillasse, ôta ses souliers de cuir et poussa un soupir d’aise en posant ses pieds nus sur le plancher. Elle ouvrit une de ses sacoches et sortit un miroir d’étain. Elle se mit à brosser ses cheveux en examinant son reflet dans le métal poli puis s’arrêta.
    — Sylvestre de Marsico, murmura-t-elle. Je me demande si vous êtes jeune et beau comme me l’a juré mon père ou si, au contraire, vous êtes laid et si vieux que je n’oserai me déshabiller devant vous.
    Des images affluaient et elle se sentit rougir. Elle avait déjà vu des corps d’hommes nus à la rivière. Elle s’était baignée, elle aussi, sans rien d’autre pour se cacher que la parure de ses cheveux. Elle avait surpris serviteur et servante dans la paille des greniers. Ce n’était ni la nudité ni l’amour qui la gênait. Elle savait comment on naissait et mourait, et pourtant... Elle avait du mal à s’imaginer s’offrant corps et âme à cet inconnu, là-bas aux portes de l’Afrique.
    — Vous aimerai-je, sire de Marsico, ou vous haïrai-je ?
    Elle observa avec attention l’arc de ses sourcils, le bleu clair de ses yeux, la courbe de son front blanc, le dessin de ses lèvres.
    — Si, au moins, je savais qui je suis et ce que je veux. Je sens en moi tant de sentiments contraires, tant de désirs aussi, que cela m’effraie.
    Elle reposa d’un geste brusque le miroir à côté d’elle.
    Dans la venelle, derrière l’auberge, un sifflement énergique avait retenti. Une voix répondait à une autre :
    — Oui, mon seigneur.
    Un bruit mat, quelque chose était tombé sur le sol.
    Quand elle se pencha, elle aperçut un homme qui ramassait une bourse, puis d’un seul coup, à croire qu’elle avait rêvé, le passage fut désert. Elle se pencha davantage, essayant en vain de voir de quelle fenêtre venait l’argent.
    On frappa deux coups sur le vantail.
    — C’est moi, Gautier. Ouvrez !
    Elle courut pieds nus jusqu’à la porte, tourna la clef et s’écarta pour laisser passer le vieil homme qui déposa sur le coffre un bol de soupe et une miche de pain.
    — Je vous ramène de l’eau et la chandelle. Avez-vous besoin d’autre chose ?
    La jeune fille faillit parler de l’homme dans la venelle, mais elle se retint et secoua négativement la tête. Elle n’aurait su décrire ce qui s’était passé. Un homme avait payé un autre, mais pourquoi ? Quelque mauvais coup se tramait là dont elle ne comprenait pas le sens. Gautier ressortit. Elle haussa les épaules, se moquant de sa trop grande imagination. Elle se jeta

Weitere Kostenlose Bücher