Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
projets reposaient sur la
fraude
et pas un de leurs auteurs n’avait conscience de
leur immoralité.
Il s’agissait toujours de faire figurer à
l’assemblée projetée un certain nombre de ministres
gagnés à
l’avance
, lesquels, moyennant certaines concessions de
l’Église catholique, comme la suppression du culte des images, des
prières pour les morts, etc., se seraient déclarés réunis à
l’Église catholique.
Le Gouvernement, une fois l’accord
intervenu
, aurait révoqué l’édit de Nantes comme devenu
inutile, et le tour eût été joué. Cette honteuse comédie de
conférence entre docteurs catholiques, et ministres
gagnés à
l’avance
eût-elle eu tout le succès qu’on en attendait, la
réunion une fois prononcée, les concessions faites aux protestants
eussent été tenues pour lettres mortes, en vertu de cette théorie
commode que, dans les traités, on promet
le contraire
de
ce qu’on veut tenir.
Au début de la campagne des conversions,
extorquées par la violence, on permit de même aux protestants de
mettre à leur abjuration toutes les restrictions imaginables ;
mais quand la conversion générale fut accomplie, l’Église
catholique si facile d’abord, déclara fièrement qu’elle
n’éteindrait même pas un cierge pour donner satisfaction aux
scrupules des convertis.
Pessata la festa
,
gabbato il santo.
Ces ménagements de la première heure, ne
tirant pas à conséquence pour l’avenir, nous les retrouvons chez
Fénelon qui, au début de sa mission en Saintonge, diffère
l’ave
maria
dans ses sermons et les invocations de saints dans les
prières publiques, faites en chaire, afin de ne pas effaroucher son
auditoire de nouveaux convertis.
Nous les retrouvons encore dans la lettre que
Mme de Maintenon écrit à l’abbé Gobelin qu’elle avait
chargé de convertir son parent,
M. de Sainte-Hermine : « Mettez-vous bien dans
l’esprit, écrit-elle, son éducation huguenote, ne lui dites
d’abord
que le nécessaire sur l’invocation des saints, les
indulgences et sur les autres points
qui le choquent si
fort
».
Fénelon appelé à la rescousse pour cette
conversion, se fait l’avocat du diable, et avec un autre prêtre,
joue devant Sainte-Hermine une parade de conférence
religieuse : « M. Langeron et moi, dit-il, avons
fait devant lui des conférences assez fortes l’un contre l’autre,
je faisais le protestant
et je disais tout ce que les
ministres disent de plus spécieux.
Fénelon avait, du reste, la manie de ces
parodies de conférences ; à la Tremblade il se vante de se
servir
utilement
d’un ministre qui s’était secrètement
converti :
Nous le menons à nos
conférences
publiques, où
nous lui faisons proposer
ce qu’il disait
autrefois pour animer les peuples contre l’Église catholique ;
cela paraît si faible et si grossier par les réponses qu’on y fait
que le peuple est indigné contre lui. »
À Marennes, le ministre prêt à se convertir,
consent à une conférence publique. «
Les matières furent
réglées par écrit
, dit Fénelon ; on s’engagea à mettre le
ministre dans l’impuissance d’aller jusqu’à la troisième réponse,
sans dire des absurdités.
Tout était prêt
, mais le
ministre, par une abjuration dont il n’a averti personne, a prévenu
le jour de la conférence. »
Fénelon, furieux de voir sa pieuse machination
échouer, par ce qu’il appelle
la finesse
de ce ministre,
ameute des convertis contre lui. « Que doit-on penser, leur
disait-il, d’une religion dont les plus habiles pasteurs aiment
mieux l’abjurer que la défendre ? » Ce ministre n’eût dû
abjurer
qu’après la conférence
, alors il eût été loué par
Fénelon.
Une autre fois, c’est un protestant, qui,
prenant les conférences au sérieux, vient troubler l’ordonnance de
la comédie. « Ces conférences, lui dit Fénelon, sont pour ceux
qui cherchent la vérité et non pas pour ceux qui s’obstinent dans
l’erreur », et il fait mettre le gêneur dehors.
« Le ministre Bernon (à la Rochelle),
écrit encore Fénelon, n’a pas voulu recevoir la pension que Sa
Majesté donne aux ministres convertis, mais il a cru devoir donner
à ses parents et à ses amis cette marque de
désintéressement
pour être plus à même de les
persuader ; quand il les verra affermis,
il
demandera
, dit-il,
comme un autre
,
ce bienfait du
roi
. En effet, cette conduite éloigne tout soupçon et lui
attire
la confiance
de
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