Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
Aubusson, j’en ai fait
emprisonner
plusieurs et
récompenser
des charités du roi ceux que j’ai cru les
mieux convertis, espérant que des mesures si
opposées
feraient bon effet. » De même l’évêque de Mirepoix, pour
arriver à faire convertir M. de Loran, demande que le roi
écrive à ce gentilhomme une lettre
mêlée d’honnêtetés et de
menaces
, et il se charge de ménager, avec le concours de
l’intendant, l’effet de cette lettre, pour obtenir le résultat
poursuivi.
Par application de cette politique à deux
faces, rigueur pour les opiniâtres, faveurs pour les dociles, tout
prisonnier pour dettes qui se convertit est mis en liberté ;
mais il reste sous les verrous, s’il demeure huguenot. Celui qui a
un procès en a le gain entre les mains à sa volonté, les juges lui
donnent raison s’il abjure.
Si au contraire un huguenot, après avoir
commis un crime, voulait échapper à la rigueur des lois, il n’avait
qu’à se convertir. Ainsi M. de Chambaran avait été
décrété de prise de corps par la cour de Rennes pour avoir commis
un assassinat. Une fois sous les verrous, il abjure et le roi lui
accorde des lettres de rémission ainsi motivées «
à cette
cause qu’il avait fait sincère réunion à l’église
catholique
». Un soldat ancien catholique ayant volé, se
dit huguenot et obtient sa grâce au prix d’une abjuration
simulée
.
Les évêques et les intendants rivalisent
d’ardeur dans cette campagne de conversions
mercenaires
,
et s’entremettent dans les plus honteux brocantages, sur le grand
marché aux consciences ouvert par toute la France.
L’archevêque de Narbonne écrit :
« J’ai découvert que Bordère fils a ici des attachements et
des liaisons qui faciliteraient sa conversion, si l’on peut lui
faire appréhender un exil éloigné ou un ordre pour sortir du
royaume. Si vous jugez à propos de m’envoyer une lettre de cachet
pour cela, on me fait espérer qu’en la lui faisant voir, on le
disposera à écouter, et qu’ensuite,
moyennant une charge de
conseiller à ce présidial
dont le roi le gratifierait, il ne
serait pas impossible de le
gagner
. Je n’ai pas perdu mon
temps pour le fils de Monsieur d’Arennes, le cadet. Son ambition
serait d’entrer dans la maison du roi
avec un bâton
d’exempt
… si le roi veut lui faire
quelque gratification
pour cela
, elle sera bien employée. Voyez, si vous jugez à
propos qu’il aille à la cour où il pourrait faire son abjuration,
car ceux de cette religion prétendent que quand ils ont fait ce
pas on les néglige un peu
. Pour ce qui est de l’aîné, la
grande difficulté sera
de le détacher d’une amourette
qu’il a à Nîmes, en vue du mariage avec une huguenote. Nous
espérons pourtant l’ébranler
par l’assurance qu’il obtiendra
l’agrément pour un régiment de cavalerie
.
L’évêque de Lodève : « C’est un
malheur que vous ne puissiez rien faire pour ce pauvre Raymond, qui
veut se convertir ; je conçois que vous ne vous mêliez pas de
disposer des emplois de la compagnie de M. le duc du Maine,
mais peut-être ne serait-il pas impossible que vous fournissiez à
quelqu’un le moyen de se mêler utilement de l’y placer. Il pourrait
donner pour cela une bonne partie de l’argent. »
L’évêque de Valence : « J’ai promis
à M. du Moulac, gentilhomme du Pousin en Vivarrais, qui a fait
abjuration de l’hérésie de Calvin entre mes mains, de vous supplier
de lui vouloir bien accorder votre protection ; pour lui faire
obtenir la châtellenie de Pousin. Ce gentilhomme espère, par votre
protection, obtenir pour lui la préférence sur ceux qui voudraient
l’acheter, m’ayant dit que vous aviez eu la bonté de la lui faire
espérer après sa conversion. »
L’évêque de Montpellier : « Vous
eûtes la bonté, Monsieur, de vous employer auprès du roi pour faire
obtenir une pension de six cents livres à
Mlle de Nancrest. Maintenant son aînée est en état, à
l’exemple de sa sœur, de faire son abjuration ; mais comme
elle souhaiterait une pareille pension de Sa Majesté, j’ai cru que
vous approuveriez que je m’adressasse à vous une seconde fois pour
obtenir cette grâce. »
On voit Fénelon solliciter de même, et avec
succès, une pension de deux mille livres pour une demoiselle
anglaise, miss Ogelthorpe. « J’espère, écrit-il à Le Tellier,
que vous n’aurez pas de peine à toucher le cœur du roi, je crois
même que Dieu, qui a
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