Les joyaux de la sorcière
d’affaires qu’il rencontrait aussi étaient plus que solides.
— Et pourtant vous savez que le meurtrier c’est lui. Disons que c’est lui qui donne l’ordre de tuer ?
— Non.
— Comment ça, non ? intervint Ted Mawes qui suivait le dialogue avec une attention passionnée.
Agostino regarda tour à tour chacun des deux hommes penchés sur lui et la franchise de ce regard était indubitable.
— Je sais que c’est difficile à croire pourtant je ne peux que répéter : il ne tue pas et n’en donne pas non plus l’ordre. Il épouse, il ne consomme pas et il s’en va…
— Admettez que c’est difficile à avaler ! reprit Aldo. Vous n’avez pas la prétention d’essayer de nous faire croire à la culpabilité de ce malheureux Peter Bascombe ?
— Certainement pas. Il n’a même jamais eu, j’en suis sûr, l’occasion d’approcher les deux victimes.
— Si vous en étiez certain, pourquoi ne pas l’avoir dit aux juges ? gronda Ted.
L’ex-valet eut un rire sans gaieté :
— Vous croyez que l’on aurait admis que je fasse quoi que ce soit pour le disculper ? Je n’aurais pas vécu longtemps après. C’est l’omerta qui le veut. La loi du silence et elle règne sur la Mafia.
— Et Ricci est un mafioso de haut rang j’imagine… comme vous devez en être un moins important. En ce cas, pourquoi avoir choisi de fuir au lieu de vous tenir tranquille et de laisser faire ?
De la plus imprévisible façon, Agostino éclata en sanglots en bredouillant des paroles à peu près incompréhensibles à travers lesquelles on réussit à démêler le nom de Dieu. On le laissa pleurer un instant puis Morosini l’attrapa aux épaules et le secoua, si brusquement que l’homme s’arrêta net :
— La crainte du Dieu Tout-Puissant, hein ? La peur du Jugement et le feu éternel ? C’est ça qui s’est emparé de toi ?
La figure ravagée qu’Agostino leva sur lui était pitoyable :
— Oui ! J’ai quarante ans à présent et je voudrais pouvoir vivre en paix avec mon âme. En faisant fuir Jacqueline j’espérais avoir évité un nouveau drame, un nouveau crime et l’avoir évité pour longtemps puisque elle et les épouses précédentes se ressemblaient. Et puis en voilà une autre qui arrive…
— Tu veux parler de Mary Forsythe ? Mais elle ne ressemble guère à Jacqueline ?
— Ce n’est pas frappant mais un peu. Les cheveux, les yeux, la forme du visage…
Il n’avait pas tort et c’était à cause de cela qu’Aldo avait hésité un instant à reconnaître Hilary. Pour une raison connue d’elle seule, elle avait réussi à s’approcher du portrait de Bianca Capello. Et le mystère ne s’en épaississait que davantage.
— Où l’a-t-il connue celle-là ? Chez les Schwob ?
— Non. Les Schwob qui lui mangent dans la main, j’ignore pourquoi, ont accepté bien volontiers d’en faire une cousine. En réalité il l’a rencontrée sur le paquebot et il a eu le coup de foudre. Il faut avouer qu’elle a fait ce qu’il fallait pour y arriver. C’est une fille très forte, elle sait ce qu’elle veut et j’ai tout de suite compris que c’était lui qu’elle voulait. Ce qui est un mystère pour moi. À part son fric il n’a rien de séduisant…
— C’est plus que suffisant. Pour une femme comme elle, un homme couvert d’or est infiniment plus beau que l’Apollon du Belvédère !
— Ça la regarde ! Quoi qu’il arrive il va l’épouser et moi je ne supporterai pas un nouveau drame.
— Qu’est-ce que ça peut te faire ? Tu ne seras pas là quand elle mourra mais à San Francisco, à Mexico ou au Pôle Nord puisque Ricci s’en va avant qu’elle ne soit mise à mort ?
Agostino se mit à trembler et réclama encore du café qu’il avala d’un trait.
— Peut-être mais j’ai vu les précédents cadavres et j’en ai eu des cauchemars. Je suis à bout ! Je préfère partir. Vous me conduisez au bateau ?
Il essaya de se lever mais Morosini le retint à sa chaise :
— Pas si vite ! Tout n’est pas dit ! Tu as prétendu que Ricci ne tue pas, ce qui est l’évidence, et qu’il ne donne pas non plus l’ordre de tuer ? Qui alors ?
— Je n’en sais rien ! Sur le salut de mon âme je l’ignore !
— C’est impossible, fulmina Ted qui était en train de perdre patience. Et moi ça ne me satisfait pas !… Mon garçon, ou tu parles ou je te jette dehors et tu feras ce que tu veux de ta
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