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Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Titel: Les "Larmes" De Marie-Antoinette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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certaine beauté barbare mais c’est de là que vient tout le mal ! Cette… cette chose est pétrie… de… de maléfices.
    Tirant de son sac une paire de lunettes, elle les mit pour mieux détailler la sculpture. Elle semblait si concentrée que l’on aurait entendu une mouche voler. Aldo ouvrit la bouche pour émettre une opinion mais Marie-Angéline qui l’observait la lui fit refermer d’un geste.
    Soudain Pauline vira sur ses talons, cherchant des yeux quelque chose.
    — Vous voulez…, commença Aldo.
    — Les outils ? Où sont-ils ?
    Sans attendre la réponse, elle fila vers une étagère fixée à l’un des murs, y choisit un burin, un maillet de bois puis revint et grimpa sur la marche du socle, le visage tellement tendu que plus personne n’osait souffler mot ni faire le moindre geste quand, avec décision, elle porta le fer contre le pendentif. Ensuite elle se mit à taper dessus avec la vigueur nécessaire à un bon sculpteur. Et brusquement le motif de pierre céda, tomba à terre. Aussitôt l’iconoclaste lâcha son matériel, s’agenouilla pour ramasser les débris.
    — Regardez ! dit-elle. J’avais remarqué que ce machin n’avait pas été pris dans la masse mais rapporté.
    Les trois têtes se penchèrent en même temps : l’intérieur du pendentif était creux. Il contenait un morceau de coton que Pauline déballa :
    — Et voilà ! dit-elle avec satisfaction en faisant miroiter sur sa paume la larme de Marie-Antoinette. Je pense qu’avec cette babiole et sa pareille, l’avenir de Caroline pourrait s’éclaircir…

ÉPILOGUE
    La place Vendôme connaissait ce soir-là un surcroît d’animation.
    Éclairé par des projecteurs, le vaste magasin d’antiquités de Gilles Vauxbrun brillait des mille feux de ses lustres et de ses candélabres à cristaux. Un tapis rouge barrait le trottoir entre la chaussée et le seuil surmonté d’un dais blanc et flanqué de deux ifs taillés en pointe dans des caisses dorées. Les limousines laquées de noir se succédaient déversant le nec plus ultra du Tout-Paris venu assister au vernissage d’une exposition attendue avec curiosité : celle des œuvres de Pauline Belmont.
    Il ne s’agissait pas d’une foule mais de personnalités triées sur le volet. La foule, elle, était dehors, maintenue par des barrières métalliques et un important service d’ordre. On citait des noms au passage, on détaillait les robes du soir, les bijoux. Les flashes de la presse jetaient des éclairs. Parfois des applaudissements crépitaient cependant qu’à l’intérieur critiques d’art, diplomates, vedettes de cinéma et gens du monde se dispersaient autour des blanches sculptures présentées sur des socles de marbre noir au milieu des magnifiques tapisseries anciennes dont les murs étaient recouverts. La colonie américaine, ambassadeur en tête, était largement représentée ainsi que la politique et le faubourg Saint-Germain. Le Comité de « Magie d’une reine » était présent au complet, ou presque. Manquaient évidemment les Crawford – on avait retrouvé les restes de lord Quentin dans sa maison incendiée et Léonora était en prison. Manquait aussi le professeur Ponant-Saint-Germain qui avait frôlé de peu l’apoplexie quand la police lui avait appris le rôle joué par ses chers « jeunes gens » mais il s’en remettrait. Après une interruption relativement courte, l’exposition de Trianon – au complet cette fois ! – avait renoué avec le succès et se prolongerait jusqu’au 14 juillet.
    Aux côtés de l’artiste dont l’œuvre aux lignes pures, proches de l’art cycladique, déroutait tout en s’imposant par sa beauté pure, Vauxbrun éclatait d’orgueil. Cette soirée était son triomphe, presque égal à celui de Pauline et il ne cachait pas la joie qu’il en tirait tandis qu’il recevait, saluait et présentait.
    À quelques pas, lady Mendl commentait les arrivées et Aldo, une cigarette aux doigts, regardait Pauline. Savamment drapée par Grès d’un crêpe neigeux, des diamants aux oreilles, aux bras et dans les cheveux, elle ressemblait à une déesse grecque descendue de l’Olympe passée par la rue de la Paix et accaparait la lumière… En la voyant sourire à tous ces gens, leur répondre, offrir sa main à des lèvres inconnues et parfois sa joue, Morosini avait l’impression qu’une distance était en train de s’établir entre eux qui, demain, s’étirerait peut-être à l’infini.

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