Les "Larmes" De Marie-Antoinette
divergents avec balustres. Cette façade, avec ses quatre colonnes corinthiennes d’avant-corps sertissant trois des cinq hautes fenêtres, était la plus majestueuse de ce joyau de pierre blonde, peut-être le plus pur chef-d’œuvre de l’architecture de la seconde moitié du XVIII e siècle. Elle ouvrait sur le Jardin français qui s’étendait jusqu’à une pièce d’eau ronde au-delà de laquelle apparaissait un charmant pavillon. Les quatre faces de Trianon étaient d’ailleurs différentes. Elles ouvraient toutes par cinq croisées d’une grande noblesse donnant, à l’exception de la cour d’honneur, sur des jardins dissemblables : fleuriste au nord et botanique au sud. Ainsi l’avait voulu Louis XV, amateur éclairé de plantes rares. Un attique où étaient les appartements intimes couronné lui-même d’une balustrade surmontait l’étage de réception. Et ce petit château en forme de cube qui aurait pu être pesant réussissait l’exploit d’être une merveille de grâce et d’élégance. En le recevant en cadeau de son époux, la jeune Marie-Antoinette en avait été si charmée qu’elle ne l’avait plus guère quitté, y passant ses journées d’abord puis ses nuits de plus en plus souvent, n’y recevant que ses amis proches, la « coterie » qu’on lui avait tant reprochée, faisant arranger différemment les jardins et surtout le Hameau, un joli jouet pour une grande fille ! En fait, elle n’avait abandonné son Trianon que pour les prisons d’un peuple aux yeux de qui le délicieux domaine n’était qu’un lieu de débauches…
Aldo, pour sa part, adorait Trianon. S’il rendait au sublime Versailles le tribut d’admiration méritée par ce chef-d’œuvre absolu dans son extraordinaire splendeur, il s’était pris de tendresse pour ce petit joyau de sobre élégance bien propre à séduire une jeune reine ou un homme de goût. C’était une raison de plus, et non la moindre, de laisser exposer au public l’un de ses précieux trésors.
Accoudé à une balustrade, il regarda la longue voiture noire avec chauffeur et valet de pied s’arrêter au bas des marches sur lesquelles le Comité avait fait disposer des laquais en perruque poudrée et livrée aux couleurs de la reine. Deux personnes en descendirent : d’abord l’ambassadeur des États-Unis, Myron T. Herrick, vieil et fidèle ami de la France représentant à la fois son pays et le mécène John Rockefeller, ensuite la présidente d’honneur, qu’il aida galamment à mettre pied à terre… Une autre voiture noire venait derrière amenant le président du Conseil, André Tardieu, mais sans escorte officielle.
Vêtue de crêpe georgette de ce bleu tendre qu’affectionnait Marie-Antoinette, blonde et belle, la princesse Sixte de Bourbon-Parme, née Edwige de La Rochefoucauld et belle-sœur par mariage de l’impératrice Zita, s’accordait à merveille au décor ambiant, ce qui n’était pas le cas de son compagnon en sévère jaquette noire. Seuls les cheveux blancs et les vifs yeux bleus du diplomate le rattachaient à l’instant présent mais tous deux semblaient ravis d’être ensemble, n’ayant pas jugé bon d’interrompre l’alerte conversation qu’ils avaient dû entamer dans la voiture. La princesse riait franchement en atteignant le haut des marches où l’attendait le Comité. Cela donna tout de suite le ton de la fête : et l’on échangea saluts, baisemains et autres politesses dans un aimable brouhaha, après quoi le conservateur du château de Versailles, M. André Pératé, souhaita une bienvenue érudite mais assez courte pour n’être pas ennuyeuse, à laquelle le président du Conseil joignit quelques mots louangeurs à l’adresse de l’Amérique et de son ambassadeur… qui ne put moins faire que de répondre en termes tout aussi flatteurs. Cela fait, la princesse coupa le ruban bleu interdisant l’accès à l’exposition, tandis que l’on délivrait la foule à cartons entassée dans l’antichambre et une partie du salon de réception délimitée par des cordons de velours rouge. Et la visite commença…
L’exposition rassemblait d’abord de nombreuses effigies de la Reine : peintures, sculptures ou simples dessins. En marbre, en bronze, en albâtre ou sur toile, partout l’on rencontrait le beau visage altier. Des meubles aussi, appartenant au château ou prêtés par des collectionneurs. Des livres aux armes ou au monogramme de Marie-Antoinette étaient
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