Les "Larmes" De Marie-Antoinette
vais quitter cet hôtel qui est au-dessus de mes moyens et où il me déplaît de vivre à vos crochets…
— Vous n’êtes pas mon invitée mais celle de M me de Sommières, qui se soucie de vous. En refusant son hospitalité vous la blesserez. En outre, telle que je connais Marie-Angéline, elle ira poser son sac chez vous avec un seau d’eau bénite, un goupillon et une demi-douzaine de livres de prières. Alors un peu de patience ! Vous ne me verrez que si vous le souhaitez…
Il recula de quelques pas, s’inclina et tournait les talons quand il se souvint de ce qu’il y avait dans sa poche :
— Veuillez m’excuser, j’allais oublier ceci qui a été déposé dans votre boîte aux lettres.
À la vue de l’enveloppe, Caroline tressaillit, ses yeux s’agrandirent mais elle tendit la main pour la recevoir. Une main qui tremblait légèrement. De même, Aldo put constater qu’elle avait pâli.
— Elle vient de loin, murmura-t-il. J’espère que ce sont de bonnes nouvelles ?
— Je ne vois pas en quoi cela vous regarde !
Et, sans l’ouvrir, elle glissa le message dans sa poche. Il ne restait plus à Aldo qu’à se retirer. Ce qu’il fit en se traitant d’idiot. C’était tellement facile d’ouvrir un pli avec la vapeur d’une bouilloire, une lame et de la colle pour fermer ! Seulement c’est le genre d’acte que l’on ne commet pas quand on s’appelle Morosini. Et c’était bigrement dommage !
Laissant la jeune fille poursuivre sa promenade comme elle l’entendait, il rentra à l’hôtel. Après avoir hésité un instant, il se rendit dans l’appartement de sa tante afin de lui apprendre qu’elle était censée prendre Caroline à sa charge durant son séjour. Il ne craignait pas d’être démenti si la jeune fille venait à lui en parler mais il valait mieux éviter le moindre risque.
Il trouva M me de Sommières occupée à faire une réussite et s’excusa de la déranger. Elle lui sourit et brouilla ses cartes des deux mains.
— Tu vois, il faut tuer le temps ! De toute façon, c’était raté, et tu es beaucoup plus distrayant que n’importe quoi. Tu as quelque chose à me dire ?
— En effet. Il s’agit de M lle Autié…
Quelques mots suffirent pour relater une partie réduite de son entretien avec la jeune fille. D’ailleurs elle ne le laissa pas aller très loin :
— Je l’ai toujours entendu ainsi, fit-elle avec un rien de sévérité. Tu n’imaginais pas que je te laisserais payer sa note ? Tu tiens absolument à passer pour son amant ?
— Tante Amélie ! protesta-t-il furieux de se sentir rougir. Ce qui la fit éclater de rire.
— En aurais-tu envie, par hasard ? C’est une très jolie fille et on pourrait le comprendre… d’un autre que toi ? Adalbert par exemple !
— Et pourquoi, s’il vous plaît ?
— C’est l’évidence parce que Lisa et toi êtes unis par un amour qui durera autant que vous deux et même après. Seulement, mon garçon, l’ennui avec toi c’est que tu n’as pas encore oublié l’aimable temps du célibat et qu’une belle créature en péril réussit toujours à réveiller non seulement le chevalier mais aussi… disons l’amateur !… Mais tant que l’intéressée ne se montre pas sensible à ton charme…
Elle le regarda de nouveau, leva un sourcil :
— Hein ? fit-elle.
— Oui… et cela m’ennuie !
— Tu m’en vois ravie ! Cela dit, j’ai besoin de réfléchir et de voir avec Plan-Crépin comment sortir de là avec les honneurs de la guerre…
— Au fait, où est-elle Plan-Crépin ?
— Au château. Ce Ponant-Saint-Germain dont elle raffole y réunit son petit monde dans les jardins pour une sorte de mini-conférence donnée plus ou moins en son honneur ! Si toutefois j’ai bien compris : elle était tellement excitée !…
Marie-Angéline avait été surprise quand, à sa demande de suivre ses cours-conférences sur Marie-Antoinette, Aristide Ponant-Saint-Germain avait répondu en lui donnant rendez-vous ce matin-là à onze heures au bosquet de la Reine. Elle s’attendait plutôt à ce qu’il la reçût chez lui – il habitait une vieille maison du côté de la place Hoche mais s’il préférait le grand air elle n’y voyait pas d’inconvénient. D’autant qu’il faisait un temps superbe… Chaussée de ses plus confortables richelieus et munie d’un plan détaillé du château et des jardins, elle quitta l’hôtel avec une heure
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