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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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d’une influence
enracinée depuis cinq ans, d’une foi et d’une amitié comme Himmler n’en avait
jamais accordé à un homme. Et Kersten avait pour lui le soutien, le poids moral
de l’univers civilisé, que personnifiait le Gouvernement de Suède. Et, à
l’intérieur même, dans l’entourage le plus immédiat du Reichsführer aux abois,
des alliés sûrs, efficaces, faisaient pression sur Himmler dans le même sens
que le docteur : Brandt qui était le collaborateur, le confident intime,
Berger qui commandait aux Waffen S.S., et Schellenberg qui avait en main tous
les réseaux d’espionnage et qui venait d’être promu par Himmler au grade de
général sur les instances de Kersten.
    Tous ces facteurs conjugués
arrachèrent, au terme d’une semaine d’efforts, huit cent mille captifs à une
mort certaine. Et cette victoire fut matérialisée par un des documents les plus
extraordinaires de la guerre.
    Le 12 mars 1945, dans une
chambre lugubre du sanatorium pour soldats S.S., Himmler, en présence de
Kersten et de Brandt, rédigea de sa main sur une pauvre table en bois blanc un
accord qu’il dénomma lui-même :
     
    « CONTRAT AU NOM DE
L’HUMANITÉ »
     
    Il y était porté que :
    1°Les camps de concentration ne
seraient pas dynamités ;
    2°Le drapeau blanc y flotterait à
l’arrivée des Alliés ;
    3°On n’exécuterait plus un seul Juif
et les Juifs seraient traités comme les autres prisonniers ;
    4°La Suède pourrait envoyer des
colis individuels aux prisonniers juifs.
    Sous ce contrat, Himmler d’abord,
puis Kersten apposèrent leur signature.
     

15
    Deux jours après la signature du
« Contrat au nom de l’Humanité », Kersten, qui continuait de soigner
Himmler au sanatorium des soldats S.S., évita une autre extermination massive.
    Il s’agissait de La Haye. Les
troupes allemandes tenaient encore la capitale de la Hollande. Un de ses plus
beaux quartiers, Klingendal, avait été transformé en véritable forteresse. Or,
dans la première semaine de mars, un officier de liaison entre Hitler et
Himmler, du nom de Fegelein, avait apporté au Reichsführer les ordres suivants
de son maître : au cas où il serait impossible de défendre la forteresse de
Klingendal, la garnison l’évacuerait et, aussitôt après, un bombardement par
V 2 serait déclenché qui devait réduire en décombres et cendres Klingendal
et La Haye tout entière, sans que ses habitants aient été prévenus. Ils étaient
quatre cent mille. Hitler avait été formel :
    « Cette ville de traîtres
germaniques doit mourir avant nous et jusqu’au dernier homme. »
    Himmler avait remis ces instructions
à Brandt pour classement et Brandt en avait averti Kersten. Le docteur s’était
efforcé à plusieurs reprises d’empêcher que Himmler exécutât les ordres d’un
dément. Il échoua jusqu’au 14 mars. Mais, ce jour-là, il obtint gain de
cause. Sans doute la capacité de résistance, l’énergie du refus s’étaient
brisées chez Himmler l’avant-veille.
    Le 14 mars donc, il dit à Kersten : –
Vous avez raison pour La Haye. C’est tout de même une ville germanique. Je
l’épargnerai. La cité mettra le drapeau blanc et sera rendue aux Alliés. J’ai
le pouvoir voulu pour ne pas exécuter cet ordre de Hitler.
    En effet les sites et les techniciens
des V 2 – parce qu’ils dépendaient des Waffen S.S. – étaient
sous les ordres directs de Himmler.
    Dès lors, ce fut un jeu pour Kersten
d’obtenir tout ce qu’il voulait. Le 16 mars, aidé par Brandt qui rédigeait
très bien, le docteur, dans une autre chambre de malade, composa un long
mémorandum sur la capitulation de l’armée allemande en Norvège.
    Ainsi étaient accomplies toutes les
missions dont Kersten avait été chargé. Pourtant, avant son départ pour la
Suède, il éprouva le besoin, l’exigence d’arracher une dernière concession à
Himmler.
    C’était, pour Kersten, une
obligation personnelle. C’était fidélité au serment, déjà éloigné dans le
temps, qu’il avait fait au cours d’une affreuse nuit blanche après avoir appris
la décision arrêtée par Hitler d’exterminer tous les Juifs.
    « J’en sauverai autant qu’il me
sera possible », s’était alors juré Kersten.
    Il obtint de Himmler que cinq mille
Juifs des camps de concentration seraient compris dans le convoi libérateur de
la Croix-Rouge suédoise.
    Et cette victoire même ne suffit pas
au docteur. Il voulut qu’elle

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