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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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gronder les canons russes. Au fond de
l’abri souterrain aménagé sous la Chancellerie du III e  Reich,
Hitler, enragé, encagé, lançait des ordres délirants que lui dictaient le
désespoir, la fureur et la démence.
    Dans leur avion, à cause du bruit
des moteurs et de la nature de leurs pensées, les deux voyageurs solitaires
gardaient le silence.
    Masur contemplait, par le hublot, la
plaine d’Allemagne du Nord se dérouler sous ses yeux.
    Kersten, selon son habitude, avait
croisé ses mains sur son ventre et tenait ses paupières mi-closes. À travers
leurs fentes, il observait le compagnon qu’il emmenait dans l’aventure la plus
singulière et la plus dangereuse.
    Masur était un homme jeune, grand,
svelte, habillé avec soin. Il avait un beau visage, brun et mince, qui
exprimait une intelligence très ferme, une énergie tenace et une parfaite
maîtrise de soi-même.
    « Il aura besoin de tout
cela », pensait Kersten.
     

2
    Vers six heures de l’après-midi,
Masur et Kersten débarquèrent sur le terrain de Tempelhof, crépusculaire et
vide. Il n’y avait personne pour les recevoir, sauf les policiers de service.
Kersten leur montra son passeport. Masur garda le sien dans sa poche. On ne le
lui demanda pas. Himmler avait tenu sa promesse.
    Mais la voiture qu’il devait envoyer
n’était pas là.
    Kersten et Masur apprirent, par la
suite, que le message envoyé de Stockholm pour annoncer l’heure exacte de leur
arrivée avait eu du retard dans sa transmission. Mais, sur l’instant, ils
furent livrés aux impatiences et aux inquiétudes d’une attente sans cause ni
limite déterminées.
    Soudain, dans la salle où ils se
trouvaient, un haut-parleur grésilla. Puis une voix en jaillit que les deux
hommes reconnurent tout de suite. C’était la voix de Goebbels, le meilleur et
le plus fanatique orateur du nazisme, le fidèle héraut de Hitler qui avait
célébré toutes les dates capitales, tous les hauts faits, tous les fastes et
tous les triomphes du Parti et du III e  Reich.
    Kersten et Masur se regardèrent.
Pour que Goebbels prît la parole, il devait s’agir d’une nouvelle très
importante, d’une décision majeure.
    « Réjouis-toi, peuple allemand,
commença Goebbels : demain 20 avril est l’anniversaire de ton Führer
bien-aimé. »
    À mesure que se développait le
discours inspiré par ce thème, Kersten et Masur éprouvaient un sentiment
croissant de stupeur incrédule.
    Ce chant de gloire venait de la
fosse bétonnée où se terrait Hitler aux abois et s’adressait à une nation
affamée, bombardée, vaincue, désespérée… Rien n’était plus démentiel.
    La voix de Goebbels se tut enfin et,
enfin, une voiture arriva pour Kersten et Masur. Elle était marquée aux
insignes S.S. et appartenait au garage particulier de Himmler. Près de la
voiture se tenait un secrétaire en uniforme, qui donna à Kersten deux
sauf-conduits au cachet du Reichsführer et signés par Schellenberg et Brandt.
Il y était spécifié que ces documents libéraient leurs porteurs de toute
obligation de passeport et de visa.
    Pour gagner Hartzwalde, il fallait
traverser Berlin. La nuit était venue. Seule, une lune brillante éclairait la
ville spectrale, écrasée par les bombardements.
    Le chauffeur S.S. n’avait qu’une
hâte : sortir de Berlin avant que ne commençât dans le ciel le terrible
défilé qui massacrait chaque nuit la capitale avec une régularité d’horloge.
Les escadres russes, américaines, anglaises venaient, vague après vague,
méthodiquement, sans répit ni merci.
    Mais, quelle que fût sa connaissance
des lieux, le chauffeur qui conduisait Masur et Kersten ne pouvait aller très
vite. Il avait à contourner des piles de décombres toutes fraîches qui
bouchaient les avenues. Il lui fallait rouler avec des précautions extrêmes le
long de passages étroits, couloirs ménagés par des chars d’assaut à travers les
maisons effondrées.
    Enfin, ils furent hors de la
ville-piège. La grand-route s’ouvrit devant eux.
    Mais, au bout d’une demi-heure, une
patrouille arrêta la voiture, fit éteindre les phares. L’alerte aérienne avait
été donnée. Le premier groupe de bombardiers passa. Le chauffeur S.S. écouta un
instant le bruit des moteurs d’une oreille exercée.
    — Soviets, dit-il.
    Des projecteurs fouillaient le ciel.
Ils prirent plusieurs appareils dans leurs faisceaux. Masur attendit avec
curiosité le déclenchement des batteries contre avions.

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